Magdala, Galilée, Israël

Ier siècle

Qora’h (קֹרַח – Koré)
Nombres 16:1 – 18:32 & I Samuel 11:14 – 12:22

Qoraḥ, Datan et Aviram sont engloutis pour avoir contesté la légitimité de Moché et d’Aharon, tandis que les 250 autres rebelles, qui avaient offert un encens non autorisé, sont consumés par un feu divin. Pour éviter toute nouvelle contestation, Moché demande à chaque chef de tribu de déposer son bâton dans le sanctuaire ; au matin, seul celui d’Aharon se couvre de bourgeons, de fleurs et d’amandes, signe indiscutable du choix divin. Dans la haftara, le prophète Samuel, lui aussi remis en question par le peuole, rappelle que Dieu est le seul guide d’Israël.

Nombres 17:23
וַיְהִי מִמָּחֳרָת, וַיָּבֹא מֹשֶׁה אֶל-אֹהֶל הָעֵדוּת, וְהִנֵּה פָּרַח מַטֵּה-אַהֲרֹן, לְבֵית לֵוִי; וַיֹּצֵא פֶרַח וַיָּצֵץ צִיץ, וַיִּגְמֹל שְׁקֵדִים

Or, le lendemain, Moïse entra dans la tente du statut, et voici qu’avait fleuri la verge d’Aaron, déposée pour la famille de Lévi: il y avait germé des boutons, éclos des fleurs, mûri des amandes.

À l’époque du Second Temple, Magdala – ou en araméen Migdal Nunaya, « tour des poissons » – était une ville juive prospère sur la rive ouest du lac de Tibériade. Elle comptait jusqu’à 40 000 habitants, avec un marché, des bains rituels, une industrie de salaison de poissons, et plusieurs synagogues. L’une d’elles a livré la célèbre Pierre de Magdala, ornée de symboles du Temple de Jérusalem : ménorah, cruches, colonnes… et, sur sa face supérieure, une composition florale que certains archéologues interprètent comme des fleurs d’amandier stylisée.

Lors de fouilles récentes, une pelle à encens en bronze a été retrouvée dans une pièce attenante à la salle de prière. Cet ustensile, mentionné dans la Torah (Exode 27:3), servait à prélever les braises pour les encensoirs.

La localité moderne de Migdal a été fondée en 1910 par des pionniers juifs russes du mouvement Hovevei Tsion[1]. Parmi les fondateurs figurent des personnalités marquantes comme Joseph Trumpeldor[2] et Yossef Haim Brenner[3]. Ils y établirent une ferme-école appelée Ahuzat Moskva – « domaine de Moscou » –, destinée à former des agriculteurs juifs.

[1] Hovevei Tsion – Amants de Sion : mouvement proto-sioniste fondé en 1881 en Russie, visant à promouvoir l’installation juive en Terre d’Israël.
[2] Joseph Trumpeldor (1880–1920) : héros sioniste, vétéran de l’armée russe, cofondateur avec Ze’ev Jabotinsky (1880–1940, leader sioniste militant prônant la création d’un État juif fort en Terre d’Israël) et Nahum Sokolow (1859–1936, écrivain, politicien et diplomate sioniste) du Zion Mule Corps (unité militaire de muletiers volontaires juifs ayant soutenu l’armée britannique lors de la bataille des Dardanelles en 1915, prémisse de la Légion juive), mort en défendant Tel Haï, un avant-poste juif en Palestine mandataire lors d’une attaque de tribus arabes en 1920.
[3] Yossef Haim Brenner (1881–1921) : écrivain hébraïque majeur et pionnier de la littérature moderne, assassiné le 2 mai 1921 à Jaffa lors des émeutes antijuives par des émeutiers arabes, aux côtés des militants sionistes le Dr. Yitzhak Vitkin, le Dr. Yosef Luria, Avraham Yesod et Moshe Feinstein, un important leader communautaire. Ils ont été inhumés ensemble au cimetière Trumpeldor à Tel Aviv.

Tsitsit Tekhelet (Franges d’Azur)

Chéla’h Lekha (שלח לך – envoie -²pour toi)
Nombres 13:1–15:41 et Josué 2:1–24

Moché envoie douze explorateurs en Canaan, à leur retour, dix d’entre eux présentent un rapport alarmant. Le peuple, effrayé, refusant de prendre possession de la terre, est condamné à quarante ans d’errance dans le désert. Quarante ans plus tard, Josué envoie à son tour deux explorateurs à Jéricho, la clé d’entrée en Eretz Israël (Talmud, Sotah 34b). Leur mission réussie permet la conquête de Canaan. Dans les deux textes, un élément revient : le cordon [1]. Le cordon de fil bleu des tsitsit et le cordon de fil rouge accroché à la fenêtre par Rahav.

Nombres 15:38
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, וְעָשׂוּ לָהֶם צִיצִת עַל-כַּנְפֵי בִגְדֵיהֶם, לְדֹרֹתָם; וְנָתְנוּ עַל-צִיצִת הַכָּנָף, פְּתִיל תְּכֵלֶת. 
Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur de se faire des franges aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d’ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur.

La recette de fabrication du tekhelet (תְּכֵלֶת – bleu indigo) s’est perdue au fil des siècles.
Au XIXᵉ siècle, des pêcheurs méditerranéens rapportaient que leurs vêtements se teintaient de bleu après avoir manipulé certains coquillages. En 1882, intrigué par ces témoignages, le Rabbi Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner [2] mit à profit sa double compétence en Torah et en sciences naturelles pour tenter d’identifier l’animal utilisé pour teindre les tsitsit en azur. Ses recherches l’amenèrent – à tort – à identifier le calmar commun (Sepia officinalis) comme étant le ‘ḥilazon (חילזון – escargot biblique).
En 1968, le chimiste israélien Otto Elsner (1936–2022) démontra expérimentalement que l’Hexaplex trunculus produit une teinture bleue par réaction photochimique. En 1980, en Israël, l’équipe Ptil Tekhelet, dirigée par le Rav Eliézer Yossef Tavger [3], parvint à reproduire ce processus. La méthode est validée, et une ferme d’élevage d’Hexaplex trunculus [4] est installée à Haïfa.
Aujourd’hui, plusieurs autorités halakhiques [5] reconnaissent la validité du tekhelet moderne. Des figures comme le Rav Hershel Schachter, le Rav Zalman Nechemia Goldberg et le Rav Shlomo Machpud estiment que les preuves accumulées [6] sont suffisamment solides pour permettre la restauration de cette mitsva oubliée.

[1] Josué 2:18 : « cordon de fil écarlate » (תִּקְוַת חוּט הַשָּׁנִי) ; Josué 2:21 : « cordon écarlate » (תִּקְוַת הַשָּׁנִי).
Le mot תִּקְוָה, de la racine קוה (espérer, tendre une corde), exprime une attente active et tendue. Dans la tradition kabbalistique, ce fil est associé à la protection contre le mauvais œil. Deux mots, deux registres. Le texte aurait pu se contenter d’un mot générique comme חֶבֶל (hevel – simple corde). Mais il choisit délibérément פְּתִיל (ptil), un fil torsadé, codifié, un rappel sacré de l’alliance. Et de l’autre côté, תִּקְוָה (tikva), porteur de toute la charge de l’attente, du salut espéré.
[2] Rebbe Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner (1839–1891), maître hassidique de Radzin, pionnier de la redécouverte du tekhelet au XIXᵉ siècle.
[3] Rav Eliézer Yossef Tavger (1948–2022), physicien et enseignant de Torah. En 1988, il réalisa la première teinture halakhique de tekhelet depuis plus de 1300 ans.
[4] Hexaplex trunculus (ou Murex trunculus) : gastéropode marin identifié comme le ḥilazon biblique. Le Talmud (Menachot 42b–44a) donne plusieurs indices : « son corps ressemble à la mer » – l’hexaplex trunculus vit en Méditerranée, et sa coquille irisée évoque les reflets marins, « il ressemble à un poisson » il a une forme spiralée et pisciforme, « son sang sert à la teinture » sa sécrétion glandulaire vire au bleu sous l’effet du soleil (Il faut environ 30 coquillages pour teindre un jeu complet de tsitsit en tekhelet).
[5] Autorités halakhiques :
– Le Rav Tsvi Hershel Schechter (1941), est l’un des principaux décisionnaires de l’orthodoxie aux États-Unis. Il dirige la Yeshiva Rabénou Its’hak El’hanan à New York. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Guinat Egoz (2007), dans lequel il traite des lois relatives du tékhelet.
– Le Rav Zalman Nechemia Goldberg (1931–2020), ancien Av Beit Din à Jérusalem, directeur de l’Encyclopédie Talmudique.
– Le Rav Shlomo Machpud (1946), décisionnaire séfarade d’origine yéménite basé à Bnei Brak, dirige l’agence de kashrout Yoreh Deah, reconnue pour son exigence halakhique. Il encourage le retour du tekhelet dans les tsitsit, une mitsva authentique à rétablir.
[6] Preuves accumulées : Des fragments de textiles teints en tekhelet et en argaman (cramoisi teinture extraite du Bolinus brandaris) ont été découverts à Massada et dans le désert de Judée. Des analyses chimiques et spectroscopiques très poussées ont été réalisées sur ces fragments de textiles et sur les colorants qui ont confirmé l’utilisation du hexaplex trunculus. Des fouilles d’ateliers phéniciens ont révélé des milliers de coquilles brisées. Pline l’Ancien (Naturalis Historia, Livre IX) mentionne huit genres de coquillages utilisés pour produire des teintures bleues ou pourpres, et décrit précisément le procédé de fabrication.

Synagogue Maguen David, Mexico

1964

Beha’alotekha (בהעלותךlorsque tu feras monter)
Nombres 8:1–12:16 et Zacharie 2:14–4:7

la paracha s’ouvre sur l’ordre donné à Aaron d’allumer la ménorah, et la consécration des Lévites. Dans la haftara, le prophète Zacharie décrit la vision de la ménorah et la consécration du Cohen Gadol Yéchoua.

Psaume 29:2 (Qabalat Chabat [1])
הָבוּ לַה’, כְּבוֹד שְׁמוֹ; הִשְׁתַּחֲווּ לַה’, בְּהַדְרַת-קֹדֶשׁ
Rendez hommage au nom glorieux de l’Éternel,
adorez l’Éternel dans son superbe sanctuaire

Construite en 1964, la Synagogue Maguen David de Mexico est une œuvre architecturale conçue par Mathias Goeritz [2], mêlant modernisme et tradition juive. Son imposante Étoile de David, soutenue par deux colonnes monumentales, capte immédiatement l’attention. À l’intérieur, l’-inscription du Psaume 29:2 sur le balcon des femmes fait face à une grande ménorah, placée près d’un hekhal semi-circulaire. La lumière naturelle et les vitraux colorés créent une atmosphère propice à la prière.

Présente depuis le XVIe siècle avec les conversos [3] fuyant l’Inquisition espagnole, la communauté juive mexicaine s’est consolidée avec les vagues migratoires du XXe siècle [4]. Aujourd’hui, elle compte environ 40 000 membres et dispose d’institutions éducatives, religieuses et culturelles qui reflètent sa diversité.

[1] Qabalat Chabat : Rituel de réception du Chabat, introduit par les kabbalistes de Safed au XVIe siècle.
[2] Werner Mathias Goeritz Brunner (1915–1990), artiste et architecte germano-mexicain, pionnier de
l’architecture émotionnelle et contribué à des projets emblématiques tels que les Torres de Satélite.
[3] Conversos : Juifs espagnols convertis de force au christianisme sous la menace de l’Inquisition.
[4] Deux grandes vagues migratoires : La première, dès le début du XXe siècle, en provenance des pays musulmans, la seconde, entre les deux guerres mondiales, en provenance d’Europe de l’Est.

Amulettes de Ketef Hinnom, Israël

fin du VIIᵉ siècle AEC

Nasso (נשא – Relève)
Nombres 4:21–7:89 et Juges 13:2–25

La parasha Nasso traite du rôle des Lévites, de la Sota, des lois de pureté et du naziréat. Elle invoque paix et protection sur Israël, et se termine par les offrandes tribales pour l’inauguration du Tabernacle. Dans la haftara, un ange annonce la naissance de Samson, consacré dès sa naissance au naziréat.

Nombres 6:24-26 (Bénédiction sacerdotale)
יְבָרֶכְךָ ה’ וְיִשְׁמְרֶךָ
יָאֵר ה’ פָּנָיו אֵלֶיךָ וִיחֻנֶּךָּ
יִשָּׂא ה’ פָּנָיו אֵלֶיךָ וְיָשֵׂם לְךָ שָׁלוֹם

Que l’Éternel te bénisse et te garde !
Que l’Éternel t’éclaire et te soit favorable.
Que l’Éternel tourne sa face vers toi et te donne la paix !

En 1979, l’archéologue Gabriel Barkay [1] dirigeait des fouilles archéologiques à l’endroit où se rejoignent les vallées de Rephaïm et de Hinnom, à Jérusalem. Lors de ces fouilles, un jeune participant mit au jour une chambre funéraire secrète contenant plus de 1 000 objets : argenterie, or, ossements, pierres précieuses, pointes de flèche… et surtout deux minuscules rouleaux d’argent, longs de 2,5 cm, datant de la fin du VIIᵉ siècle AEC à l’époque du Premier Temple, avant l’exil babylonien. Ces rouleaux, appelés amulettes de Ketef Hinnom, sont les plus anciens fragments de textes bibliques connus à ce jour, antérieurs de plusieurs siècles aux célèbres manuscrits de la mer Morte. Ils contiennent un texte gravé en hébreu ancien reprenant la Bénédiction sacerdotale de la parasha Nasso.
En raison de leur extrême fragilité, il fallut trois ans de travail minutieux pour les dérouler sans les briser. Leur contenu démontre que certains passages bibliques étaient non seulement rédigés, mais déjà utilisés dans un contexte liturgique et apotropaïque (de protection) dès l’époque du prophète Jérémie.
Elles sont aujourd’hui conservées et exposées dans l’aile archéologique du Musée d’Israël à Jérusalem.

[1] Gabriel Barkay (né en 1944 en Hongrie) est un archéologue israélien, spécialiste de l’archéologie biblique et de l’histoire de Jérusalem. En 1999, le Waqf islamique, gestionnaire de l’Esplanade des Mosquées, a procédé à d’importants travaux de construction sans autorisation ni supervision archéologique, notamment à l’agrandissement d’une mosquée souterraine sous le Mont du Temple. Ces travaux ont entraîné la destruction délibérée et illégale de vestiges archéologiques uniques. Pour sauver ce qui pouvait l’être, Barkay cofonde avec Zachi Dvira le Temple Mount Sifting Project visant à tamiser et étudier les 9 000 tonnes de déblais extraits du site. Ce projet a permis de récupérer des milliers d’objets couvrant près de 3 000 ans d’histoire, malgré les pertes irréversibles infligées au patrimoine archéologique.