Yotvata, Israël

1957

Paracha Matot–Massé et Roch ‘Hodech Av
Nombres 30,2 – 36,13 (Matot–Massé), Nombres 28,9–15 (Roch ‘Hodech), Isaïe 66,1–24 (Roch ‘Hodech)

La double paracha Matot–Massé clôt le livre des Nombres. Elle traite des lois relatives aux vœux et relate la guerre contre Madian. Elle décrit également l’installation des tribus de Ruben, Gad et de la moitié de Manassé à l’est du Jourdain. Suivent l’énumération des 42 étapes de l’errance dans le désert, les règles pour le partage de la Terre, l’établissement des villes de refuge, ainsi que la question de l’héritage des filles de Tsélof’had.
Dans la haftarah, le prophète Isaïe dépeint une Jérusalem messianique — source de paix et centre d’adoration universelle.

Nombres 33:33
וַיִּסְעוּ, מֵחֹר הַגִּדְגָּד; וַיַּחֲנוּ, בְּיָטְבָתָה
Ils partirent de Hor-Hagidgad et campèrent à Yotvata.

Ce verset inscrit Yotvata[2] parmi les 42 étapes de l’errance dans le désert. Quand l’histoire s’enracine, le désert devient fertile.

Le kibboutz Yotvata fut fondé en 1957 par le mouvement Naḥal[3], près d’Éin Radian — une source naturelle majeure dans la vallée de l’Arava, à 42 km au nord d’Éilat — à proximité des ruines d’un fort romain.

Dès sa création, Yotvata a établi l’école régionale Ma’aleh Shaharut[4], qui allie études académiques, conscience environnementale et engagement civique. Le kibboutz accueille également un internat du programme Na’alé[5].

Dans les années 1960, un centre agricole a été mis en place, combinant recherches géologiques et agronomiques, innovations en irrigation et cultures sous serre. Des panneaux solaires couvrent aujourd’hui une grande partie des besoins en électricité, et les eaux usées sont recyclées pour l’irrigation.

La laiterie Yotvata[6], fondée en 1962, transforme le lait produit localement en plus de quarante produits distribués dans tout Israël.

Adossée au kibboutz, la réserve Hai-Bar œuvre à la réintroduction d’espèces bibliques dans le Néguev — onagre, oryx, gazelle et hyène.


[1] Inyan ha-yom – Le sujet du jour prime :
Lorsqu’une haftarah spéciale est prescrite (par exemple pour Roch ‘Hodech, Hanouka), elle prend le pas sur la haftarah régulière de la paracha hebdomadaire (Oraḥ Ḥaïm 425:1 ; Michna Beroura 425:7).
[2] Etape de Yotvata :
Deutéronome 10:7 qualifie Yotvata de « terre de ruisseaux d’eau ». Certains commentateurs relient son nom à la racine hébraïque ט‑ו‑ב (tov, « bon »).
[3] Naḥal (No‘ar Ḥalutzi Loḥem) —  Jeunesse pionnière combattante :
Unité de Tsahal fondée en 1948 pour combiner service militaire et établissement de colonies agricoles.
[4] Ma’aleh Shaharut :
L’école accueille environ 600 élèves issus des onze communautés du Conseil régional de Hevel Eilot, dont Yotvata fait partie. Sous l’égide du ministère israélien de l’Éducation, elle propose un enseignement pluraliste alliant académique, environnement et civisme.
[5] Na’alé (No‘ar Oleh Lifnei Horim) :
Programme gouvernemental lancé en 1992, qui accueille des adolescents juifs du monde entier pour terminer leur scolarité en Israël avant que leurs familles ne fassent aliyah.
[6] La laiterie Yotvata :
Exploitée depuis 2000 en partenariat avec le groupe Strauss, elle est renommée pour ses boissons lactées au chocolat et autres produits laitiers.

Wolleka, Éthiopie

1942

Pin’has (פִּינְחָס)
 Nombres 25:10 – 30:1 et  Jérémie 1:1–2:3 [1]

Pin’has reçoit une alliance de paix et la prêtrise. Moché et Éléazar effectuent un nouveau recensement des tribus. Les filles de Tselofhad obtiennent le droit d’hériter de leur père. Josué est désigné comme successeur de Moché. Une description des sacrifices rituels est donnée. Le prophète Jérémie évoque l’attachement entre Dieu et Israël, né dans le désert.

Jérémie 2:2
זָכַרְתִּי לָךְ חֶסֶד נְעוּרַיִךְ, אַהֲבַת כְּלוּלֹתָיִךְ, לֶכְתֵךְ אַחֲרַי בַּמִּדְבָּר
Je me souviens de ton amour de jeunesse, de ton amour nuptial, quand tu me suivais dans le désert.

Aux abords de Gondar, sur la route menant aux montagnes du Simien, un panneau artisanal indique « Village juif de Wolleka Falasha ». Ce village fut le foyer d’une communauté juive éthiopienne – les Beta Israël – dont la pratique religieuse s’est développée indépendamment du judaïsme rabbinique, sans accès au Talmud ni aux institutions reconnues. Leurs traditions bibliques et sacerdotales, enracinées dans le désert, remonteraient à une époque antérieure à l’exil babylonien. Ce qui en fait un cas unique dans l’histoire juive.
Leur judaïsme était centré autour des qessotch[2] responsables de la lecture de l’Orit[3], chantée en guèze [4] et transmise oralement à travers les générations. En 1973, après une enquête du Grand Rabbinat d’Israël, le Rav Ovadia Yossef déclara officiellement « Ils sont les descendants de la tribu de Dan ».
En 1975, cette reconnaissance halakhique fut suivie d’une décision politique : le gouvernement israélien accorda aux Beta Israël le droit d’immigrer au titre de la Loi du Retour. De nombreux Juifs éthiopiens rejoignirent Israël lors d’aliyot massives. Certains traversèrent à pied le Soudan, au péril de leur vie, avant d’être évacués par avion[5]. D’autres partirent directement depuis Addis-Abeba[6].
Aujourd’hui, il n’y a plus de Juifs à Wolleka, mais le village conserve les traces de son passé : une synagogue en terre construite en 1942, décorée de peintures traditionnelles, un cimetière aux tombes bleues, et un mémorial dédié aux Beta Israël morts en route vers le Soudan. Une famille locale garde les clés de la synagogue et demande une petite somme pour visiter et entretenir les lieux. En valorisant ce patrimoine, les habitants mettent en avant les racines juives du village, devenu un lieu de mémoire plutôt qu’un simple site touristique.

[1] La haftara habituelle de Pin’has est tirée de 1 Rois 18:46 – 19:21, mais lorsqu’elle est lue après le 17 Tamouz, elle est remplacée par celle de Mattot : Jérémie 1:1 – 2:3.
[2] Qessotch : prêtres éthiopiens juifs, distincts des rabbins, responsables de la lecture de l’Orit et de la pureté rituelle.
[3] Orit : nom donné à la Torah chez les Beta Israël. Elle comprend : La Torah (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Les Prophètes (Josué, Juges, Samuel, Rois), Les Écrits (Psaumes, Proverbes, Job, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Esther) et Certains textes apocryphes : Livre d’Hénoch, Livre des Jubilés
[4] Guèze : langue liturgique ancienne utilisée par les Juifs éthiopiens, parfois appelée éthiopien classique. Langue chamito-sémitique, elle fut langue officielle du royaume d’Aksoum puis de l’empire d’Éthiopie.
[5] Opération Moïse (1984) : évacuation secrète de milliers de Juifs éthiopiens depuis le Soudan vers Israël.
[6] Opération Salomon (1991) : évacuation massive depuis Addis-Abeba, plus de 14 000 Juifs furent transportés en moins de 36 heures.

Deir Alla, Jordanie

VIIIᵉ siècle AEC

Balaq (בלק – Balaq)
Nombres 22:2 – 25:9 & Michée 5:6 – 6:8

Balak, roi de Moab, fait venir Bilaam, prophète païen originaire de Pethor[1], pour maudire Israël — mais sa bouche ne profère que des bénédictions. « Qu’elles sont belles tes tentes », dit-il, révélant la beauté intérieure du peuple juif. Le prophéte Michée prolonge ces bénédictions en affirmant que la vraie grandeur réside dans la justice, la bonté et l’humilité devant D.ieu.

Nombres 24:3
נְאֻם בִּלְעָם בְּנוֹ בְעֹר, וּנְאֻם הַגֶּבֶר שְׁתֻם הָעָיִן.
              Oracle de Bilaam, fils de Beor, parole de l’homme au clairvoyant regard.

En 1967, une équipe archéologique néerlandaise découvre, sur le site de Deir Alla (vallée du Jourdain), une inscription en araméen mentionnant explicitement Bilaam fils de Beor. Le texte écrit à l’encre noire et rouge sur enduit mural[2], débute ainsi :

כתב בל[ע]ם בן בע[ו]ר איש חזה אלהין
Texte de Bilam fils de Beor, homme qui voyait les dieux.

Dans la première partie, Bilaam prédit que l’obscurité s’abattra sur la terre et couvrira le monde, reflet du désordre cosmique provoqué par l’impiété des hommes.
La seconde partie, très fragmentaire, esquisse un oracle apocalyptique annonçant des calamités prochaines, puis se conclut par l’ordre divin interdisant à Bilaam de poursuivre ses prophéties.

Deir Alla, appelé « Tarʿala » dans le Talmud de Jérusalem (Sheviit 2:3), fut détruit vers 800 AEC, probablement lors du séisme mentionné dans Amos 1:1. Certains chercheurs identifient ce site à l’ancienne Soukkot[3] du territoire de Gad, située à l’est du Jourdain dans la vallée du Yabboq.

[1] Pethor est mentionnée en Nombres 22:5 comme située « près du fleuve » (Euphrate), sans doute dans l’actuelle Syrie du Nord ou le sud-est de la Turquie.
[2] Les fragments ont été retrouvés éparpillés sur le sol de la pièce sud-est du sanctuaire, mêlés à des tessons de poteries et recouverts de débris. Ils ont ensuite été patiemment recollés et remontés par l’équipe néerlandaise pour restituer l’inscription murale. ils sont conservés au Musée archéologique d’Amman,
[3] Soukkot, ville citée en Josué 13:27, ne doit pas être confondue avec le lieu-étape homonyme de l’Exode (Nombres 33:48).

Mausolée d’Aharon, Jordanie

XIVe siècle

‘Houqat (חקת – statut)
Nombres 19:1 – 22:1 et Juges 11:1–33

la paracha s’ouvre sur une loi incompréhensible, celle de la vache rousse. Elle évoque ensuite la mort de Myriam, celle d’Aharon, la faute de Moché, l’épisode du serpent d’airain, puis les premières victoires d’Israël. La haftara relate, elle aussi, une victoire : celle de Jephté sur les Ammonites.

Nombres 20:28
וַיָּמָת אַהֲרֹן שָׁ:ם, בְּרֹאשׁ הָהָר
et Aharon mourut là, au sommet de la montagne

Sur ordre divin, Moché monte avec Aharon et Éléazar sur le mont Hor. Éléazar y reçoit les habits sacerdotaux. Aharon meurt en silence, au sommet de la montagne.
La tradition identifie ce mont avec le Jebel Haroun – « la montagne du silence » – près de Pétra, en Jordanie. Au sommet se dresse le mausolée d’Aharon (en arabe : Maqam Haroun), érigé au XIVe siècle par les Mamelouks.
Aujourd’hui, le site est administré par les autorités religieuses musulmanes, et comme souvent sur les lieux sous leur contrôle, toute manifestation religieuse juive (tallit, téfilines, prières, chants…) peut y être perçue comme une provocation ou une infraction.