Kadoorie Mekor Haim, Porto

1937

Vayelekh (וַיֵּלֶךְ – Il alla)
Deutéronome 31:1–30 • Osée 14:2–10, Joël 2:11–27, Michée 7:18–20

Moché annonce son départ et transmet à Yehoshoua la charge de guider le peuple. Il confie à Israël un chant — celui de la Torah. Il leur ordonne d’écrire et de transmettre. La haftara de Chabbat Chouva exhorte Israël à la techouva, le retour sincère vers l’Éternel.

Osée 14:2
שׁוּבָה יִשְׂרָאֵל עַד ה׳ אֱלֹהֵיךָ
Reviens, Israël, jusqu’à l’Éternel ton Dieu

Dans les années 1920–1930, le capitaine Artur Carlos de Barros Basto[1] fonde la Communauté Israélite de Porto et lance une campagne pour reconnecter les descendants des crypto-juifs[2] au judaïsme. Malgré son exclusion de l’armée en 1937, la synagogue Kadoorie Mekor Haim (מקור חיים – Source de Vie) est inaugurée en 1938, grâce au mécénat de la famille Kadoorie[3]. Mais, privée de direction pendant plusieurs décennies, la synagogue reste silencieuse. Le renouveau commence au début des années 2010, porté par l’arrivée de nouveaux membres et le soutien du rabinat de Lisbonne et d’Israël. Depuis 2014, la communauté juive de Porto a ouvert un tribunal rabbinique, un musée juif (2015), un mikvé (2016), un musée de la Shoah (2021) et un cimetière (2023). Elle s’est également engagée dans la production cinématographique avec plusieurs films[4]. La communauté, qui comptait à peine une quarantaine de membres en 2010, dépasse aujourd’hui le millier de personnes. La synagogue[5] Kadoorie Mekor Haim est aujourd’hui le plus grand édifice juif de la péninsule Ibérique. De style Art déco, avec une façade blanche évoquant le Bauhaus, elle a été conçue par l’architecte Augusto dos Santos Malta et l’ingénieur Arthur de Almeida Jr.

[1] Artur Carlos de Barros Basto (1887–1961) est un officier portugais, intellectuel et militant juif, surnommé le « Dreyfus portugais » en raison de l’injustice antisémite qu’il a subie. À l’âge de neuf ans, il découvre que ses ancêtres étaient des juifs convertis de force au christianisme au XVIe siècle. Héros de la révolution républicaine de 1910 et vétéran décoré de la Première Guerre mondiale, il reçoit la Croix de Guerre portugaise pour bravoure. Après avoir étudié le judaïsme, il se convertit et prend le nom d’Abraham Israel Ben-Rosh. En 1923, il fonde la communauté juive de Porto, crée l’Institut Rosh Pina — la première yechiva au Portugal depuis cinq siècles — et milite pour le retour au judaïsme des crypto-juifs portugais. En 1937, Barros Basto est injustement radié de l’armée portugaise pour avoir organisé des circoncisions. Sa réhabilitation officielle n’a été reconnue qu’à titre posthume, en 2012, par l’Assemblée de la République du Portugal.
[2] Conversos / Crypto-Juifs : Conversos désigne les juifs convertis au christianisme (souvent sous contrainte) ; crypto-juifs insiste sur la pratique cachée du judaïsme. Le retour de leurs descendants s’effectue par conversions halakhiques.
[3] Le nom « Kadoorie » rend hommage à Sir Elly Kadoorie et à ses fils Lawrence et Horace, qui ont financé la construction de la synagogue de Porto dans les années 1930. Issus d’une famille juive séfarade originaire de Bagdad, les Kadoorie sont connus pour leur mécénat et leur soutien aux communautés juives à travers le monde.
[4] Les films ont été réalisés par Luís Ismael, de son vrai nom Luís Miguel da Rocha Ferreira, réalisateur, producteur, acteur et entrepreneur portugais, connu pour son travail dans le cinéma indépendant. Fondateur de la société de production Lightbox, l’un des principaux studios du nord du Portugal, il a collaboré avec la communauté juive de Porto pour produire plusieurs films historiques : • Sefarad (2019) : retrace l’histoire d’Artur Carlos de Barros Basto et la renaissance juive à Porto au XXe siècle. • Le Kaddish de la Nonne (2019) : court métrage de 7 minutes sur la découverte d’une identité juive cachée par une religieuse catholique, illustrant une méditation spirituelle sur la quête de vérité. • 1618 (2021) : drame historique sur l’Inquisition à Porto, devenu le film portugais le plus primé à ce jour.
[5] La synagogue Kadoorie Mekor Haim à Porto est le fruit d’un projet initié en 1923 par Artur Carlos de Barros Basto et la communauté juive de Porto. Le terrain est acquis en 1929, et les travaux débutent la même année. La construction s’achève en 1937, et l’inauguration officielle a lieu en 1938. Restée longtemps fermée au public, elle est ouverte en 2012, puis enrichie en 2015 par l’installation d’un musée juif dans ses murs.

Le Chofar


Nitsavim (ניצבים – debout)
Deutéronome 29:9 à 30:20 & Isaïe 61:10 à 63:9

Moché rassemble tout Israël pour renouveler l’alliance avec l’Éternel. Ce moment solennel souligne l’unité du peuple, chaque individu étant appelé à se tenir debout devant Dieu.

Roch Hachana (ראש השנה – début de l’année)
Yom Terouʿa (יום תרועה – jour de la sonnerie)
Genèse 21:1–34 – 22:1–24 & Nombres 29:1–6 & 1 Samuel 1:1–2:10 – Jérémie 31:1–19

À Roch Hachana, les lectures bibliques évoquent la naissance et la ligature d’Yits’haq, la prière de ‘Hanna et les larmes de Jérémie. Le son du chofar rappelle le bélier substitué à Yits’haq, mais aussi les cris de prière et les appels à la miséricorde. Il incarne le souffle de l’alliance et le réveil spirituel.

Deutéronome 29:9
אַתֶּם נִצָּבִים הַיּוֹם כֻּלְּכֶם, לִפְנֵי ה׳ אֱלֹהֵיכֶם

Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Éternel, votre Dieu.

Nombres 29:1
יוֹם תְּרוּעָה, יִהְיֶה לָכֶם
Ce sera pour vous le jour du son du Chofar.

Chofarot Israël – Bar-Chechet Ribaq :
La famille Bar-Chechet remonte au XIVe siècle en Espagne avec le rabbin Yts’haq Bar-Chechet Barfat[1]. Selon la tradition familiale, l’un de ses descendants aurait commencé à travailler la corne pour fabriquer des objets utilitaires, avant de se spécialiser dans la confection de chofars.
Après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, la famille Bar-Chechet s’installe au Maroc, où elle perpétue l’artisanat du chofar pendant plusieurs générations. En 1947, Meir Bar-Chechet embarque à bord de l’Exodus[2] en route vers Érets Israël, mais le navire est refoulé par les autorités britanniques, et Meir est interné dans un camp en Allemagne. C’est là, à la veille de Roch Hachana, qu’il fabrique son premier chofar. En 1948, il parvient à émigrer en Israël et, renouant avec l’art ancestral de sa famille, fonde un atelier à Haïfa.

Du côté Ribaq, la tradition artisanale commence à Włodawa, en Pologne, avec Yaacov Rossman. Reconnu pour son savoir-faire dans le travail de la corne, il se distingue par la qualité de ses chofars. En 1927, il immigre en Palestine mandataire et s’installe à Tel Aviv, où il devient le premier artisan à fabriquer des chofars dans la ville. N’ayant pas de descendance directe, il transmet son savoir à son cousin Avraham Ribaq, qui reprend l’atelier et poursuit l’activité, tout en formant son fils Eli Ribaq.

Dans les années 1980, Eli Ribaq et Tsvi Bar-Chechet, fils de Meir, fondent Chofarot Israël – Bar-Chechet Ribaq, aujourd’hui reconnu comme une référence mondiale la fabrication artisanale de chofars.

Les chofars produits dans cet atelier sont confectionnés à partir de cornes[3] d’animaux cachères, tels que le bélier, le koudou, l’ibex, l’oryx ou l’éland. Chaque corne est chauffée pour être assouplie, puis évidée, redressée, percée à l’embouchure, polie et soigneusement finie à la main. Certains modèles sont ensuite argentés, peints ou gravés selon les préférences des clients. L’ensemble du processus est entièrement artisanal, réalisé avec des outils souvent conçus par les artisans eux-mêmes, dans le respect scrupuleux des lois de la cacherout et des exigences halakhiques.

[1] Yits’haq Bar Chechet Barfat (יצחק בר ששת ברפת), connu sous l’acronyme Ribach (ריב״ש), né en 1326 à Valence et mort en 1408 à Alger, fut l’un des plus grands décisionnaires talmudiques de son époque. Il est l’auteur de centaines de responsa halakhiques et a exercé son autorité rabbinique dans les communautés de Barcelone, Saragosse et Alger. Il compte parmi les figures majeures du judaïsme médiéval séfarade, reconnu pour la rigueur de son raisonnement.
[2] Le President Warfield, navire à vapeur américain, est réaffecté en 1947 par le Mossad LeAliyah Bet pour transporter plus de 4 500 survivants de la Shoah vers la Palestine mandataire. Rebaptisé Exodus 1947 en mer, il est intercepté par la marine britannique avant d’atteindre Haïfa. Trois passagers sont tués, et les survivants sont internés dans des camps en Allemagne. L’affaire provoque une indignation internationale et contribue au soutien croissant en faveur de la création de l’État d’Israël.
[3] La corne de vache n’est pas utilisée pour fabriquer un chofar, car elle est désignée dans la Torah par le terme qeren (קרן) et non chofar (שופר). Selon le Talmud (Roch Hachana 26a), cette distinction terminologique exclut son usage rituel. De plus, certains commentateurs y voient un rappel du veau d’or, ce qui renforce son inadéquation dans le cadre des sonneries sacrées de Roch Hachana.

Grand Rouleau d’Isaïe (1QIsaᵃ)

IIᵉ siècle AEC

Ki Tavo (כִּי-תָבוֹא – Lorsque tu entreras)
Deutéronome 26:1–29:8 • Isaïe 60:1–22

La paracha s’ouvre sur la loi des prémices (bikkourim), que chaque agriculteur doit apporter au lieu choisi par Dieu, accompagné d’une déclaration de gratitude. Elle présente ensuite la loi de la dîme (ma‘asser), destinée aux Lévites, aux orphelins, aux veuves et aux étrangers.
La Torah est gravée sur des pierres au mont Ébal, marquant l’alliance avec Dieu, et des sacrifices y sont offerts. Les Lévites proclament une série d’avertissements auxquels le peuple répond « Amen ». Sur le mont Garizim sont proclamées les bénédictions pour l’obéissance, tandis que sur le mont Ébal sont énoncées les malédictions liées à la transgression.
Dans la haftara, le prophète Isaïe décrit une Jérusalem restaurée, rayonnante de la lumière divine, vers laquelle affluent les nations dans un esprit de paix, de reconnaissance et de spiritualité.

Isaïe 60:1
קוּמִי אוֹרִי כִּי בָא אוֹרֵךְ
Lève-toi, resplendis, car ta lumière arrive

En 1947, dans le désert de Judée, près de Qumrân, un jeune berger découvre par hasard une grotte dissimulée dans les falaises. À l’intérieur, des jarres anciennes renferment des manuscrits vieux de plus de deux millénaires. Ces textes jettent une lumière nouvelle sur notre connaissance de cette époque.
Parmi les trésors mis au jour figure un rouleau complet du livre du prophète Isaïe (1QIsaᵃ), soigneusement rédigé sur des feuillets de cuir cousus entre eux. Long de 7,34 mètres, il contient les 66 chapitres du livre, dans un état remarquablement bien conservé.
Daté du IIᵉ siècle avant notre ère, ce manuscrit a été restauré avec une minutie exceptionnelle, permettant de préserver sa structure et sa lisibilité. Il est aujourd’hui exposé au Musée d’Israël, dans l’aile appelée Sanctuaire du Livre, où il continue d’éclairer chercheurs et visiteurs par son témoignage unique.

Synagogue des Cantonistes, Tomsk, Russie

1906

Ki-Tetsé (כִּי-תֵצֵא – lorsque tu partiras )
Deutéronome 21:10–25:19 & Isaïe 54:1–10

Ki-Tetsé énonce 74 commandements, ce qui en fait l’une des parachiot les plus riches en prescriptions de la Torah. Ces lois régissent divers aspects de la vie sociale, familiale et morale du peuple d’Israël. La paracha se conclut par l’injonction de se souvenir de ce qu’a fait Amalek, appel à une mémoire vigilante face à l’hostilité.
La haftarah, tirée du livre d’Isaïe, propose une vision de réconfort : Jérusalem, comparée à une femme stérile, est appelée à enfanter une multitude. Le prophète y réaffirme l’alliance éternelle entre Dieu et son peuple.

Deutéronome 21:10
כִּי-תֵצֵא לַמִּלְחָמָה עַל-אֹיְבֶךָ
Lorsque tu sortiras en guerre contre tes ennemis…

La Synagogue des Cantonistes[1] de Tomsk fut édifiée en 1906. Confisquée par les autorités soviétiques en 1930, elle fut transformée en logements municipaux. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle fut restituée à la communauté juive locale.
À l’intérieur, les lambris d’origine sont encore visibles sous une couche de badigeon clair. L’arche sainte, restaurée avec soin, est ornée d’un rideau brodé portant les initiales de Tzvi Hertz Yankelowitz, l’un des cantonistes fondateurs de la synagogue.
Ce bâtiment en bois massif, rare témoin de l’architecture religieuse juive sibérienne, a fait l’objet d’une restauration complète afin d’être reconverti en musée du judaïsme en Sibérie. Il constitue aujourd’hui l’un des derniers exemples préservés de ce style architectural unique.

[1] Les cantonistes étaient des garçons juifs enrôlés de force dans les écoles militaires de l’Empire russe à partir de 1827, sous le règne du tsar Nicolas Ier. Un décret impérial imposait aux communautés juives de fournir un quota d’enfants, souvent âgés de 8 à 12 ans, pour suivre une formation militaire. A l’âge de 18 ans, ces enfants étaient intégrés dans l’armée pour une durée de 25 ans. Ce système fut aboli en 1857 sous le règne d’Alexandre II.