Magdala, Galilée, Israël

Ier siècle

Qora’h (קֹרַח – Koré)
Nombres 16:1 – 18:32 & I Samuel 11:14 – 12:22

Qoraḥ, Datan et Aviram sont engloutis pour avoir contesté la légitimité de Moché et d’Aharon, tandis que les 250 autres rebelles, qui avaient offert un encens non autorisé, sont consumés par un feu divin. Pour éviter toute nouvelle contestation, Moché demande à chaque chef de tribu de déposer son bâton dans le sanctuaire ; au matin, seul celui d’Aharon se couvre de bourgeons, de fleurs et d’amandes, signe indiscutable du choix divin. Dans la haftara, le prophète Samuel, lui aussi remis en question par le peuole, rappelle que Dieu est le seul guide d’Israël.

Nombres 17:23
וַיְהִי מִמָּחֳרָת, וַיָּבֹא מֹשֶׁה אֶל-אֹהֶל הָעֵדוּת, וְהִנֵּה פָּרַח מַטֵּה-אַהֲרֹן, לְבֵית לֵוִי; וַיֹּצֵא פֶרַח וַיָּצֵץ צִיץ, וַיִּגְמֹל שְׁקֵדִים

Or, le lendemain, Moïse entra dans la tente du statut, et voici qu’avait fleuri la verge d’Aaron, déposée pour la famille de Lévi: il y avait germé des boutons, éclos des fleurs, mûri des amandes.

À l’époque du Second Temple, Magdala – ou en araméen Migdal Nunaya, « tour des poissons » – était une ville juive prospère sur la rive ouest du lac de Tibériade. Elle comptait jusqu’à 40 000 habitants, avec un marché, des bains rituels, une industrie de salaison de poissons, et plusieurs synagogues. L’une d’elles a livré la célèbre Pierre de Magdala, ornée de symboles du Temple de Jérusalem : ménorah, cruches, colonnes… et, sur sa face supérieure, une composition florale que certains archéologues interprètent comme des fleurs d’amandier stylisée.

Lors de fouilles récentes, une pelle à encens en bronze a été retrouvée dans une pièce attenante à la salle de prière. Cet ustensile, mentionné dans la Torah (Exode 27:3), servait à prélever les braises pour les encensoirs.

La localité moderne de Migdal a été fondée en 1910 par des pionniers juifs russes du mouvement Hovevei Tsion[1]. Parmi les fondateurs figurent des personnalités marquantes comme Joseph Trumpeldor[2] et Yossef Haim Brenner[3]. Ils y établirent une ferme-école appelée Ahuzat Moskva – « domaine de Moscou » –, destinée à former des agriculteurs juifs.

[1] Hovevei Tsion – Amants de Sion : mouvement proto-sioniste fondé en 1881 en Russie, visant à promouvoir l’installation juive en Terre d’Israël.
[2] Joseph Trumpeldor (1880–1920) : héros sioniste, vétéran de l’armée russe, cofondateur avec Ze’ev Jabotinsky (1880–1940, leader sioniste militant prônant la création d’un État juif fort en Terre d’Israël) et Nahum Sokolow (1859–1936, écrivain, politicien et diplomate sioniste) du Zion Mule Corps (unité militaire de muletiers volontaires juifs ayant soutenu l’armée britannique lors de la bataille des Dardanelles en 1915, prémisse de la Légion juive), mort en défendant Tel Haï, un avant-poste juif en Palestine mandataire lors d’une attaque de tribus arabes en 1920.
[3] Yossef Haim Brenner (1881–1921) : écrivain hébraïque majeur et pionnier de la littérature moderne, assassiné le 2 mai 1921 à Jaffa lors des émeutes antijuives par des émeutiers arabes, aux côtés des militants sionistes le Dr. Yitzhak Vitkin, le Dr. Yosef Luria, Avraham Yesod et Moshe Feinstein, un important leader communautaire. Ils ont été inhumés ensemble au cimetière Trumpeldor à Tel Aviv.

Tsitsit Tekhelet (Franges d’Azur)

Chéla’h Lekha (שלח לך – envoie -²pour toi)
Nombres 13:1–15:41 et Josué 2:1–24

Moché envoie douze explorateurs en Canaan, à leur retour, dix d’entre eux présentent un rapport alarmant. Le peuple, effrayé, refusant de prendre possession de la terre, est condamné à quarante ans d’errance dans le désert. Quarante ans plus tard, Josué envoie à son tour deux explorateurs à Jéricho, la clé d’entrée en Eretz Israël (Talmud, Sotah 34b). Leur mission réussie permet la conquête de Canaan. Dans les deux textes, un élément revient : le cordon [1]. Le cordon de fil bleu des tsitsit et le cordon de fil rouge accroché à la fenêtre par Rahav.

Nombres 15:38
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, וְעָשׂוּ לָהֶם צִיצִת עַל-כַּנְפֵי בִגְדֵיהֶם, לְדֹרֹתָם; וְנָתְנוּ עַל-צִיצִת הַכָּנָף, פְּתִיל תְּכֵלֶת. 
Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur de se faire des franges aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d’ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur.

La recette de fabrication du tekhelet (תְּכֵלֶת – bleu indigo) s’est perdue au fil des siècles.
Au XIXᵉ siècle, des pêcheurs méditerranéens rapportaient que leurs vêtements se teintaient de bleu après avoir manipulé certains coquillages. En 1882, intrigué par ces témoignages, le Rabbi Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner [2] mit à profit sa double compétence en Torah et en sciences naturelles pour tenter d’identifier l’animal utilisé pour teindre les tsitsit en azur. Ses recherches l’amenèrent – à tort – à identifier le calmar commun (Sepia officinalis) comme étant le ‘ḥilazon (חילזון – escargot biblique).
En 1968, le chimiste israélien Otto Elsner (1936–2022) démontra expérimentalement que l’Hexaplex trunculus produit une teinture bleue par réaction photochimique. En 1980, en Israël, l’équipe Ptil Tekhelet, dirigée par le Rav Eliézer Yossef Tavger [3], parvint à reproduire ce processus. La méthode est validée, et une ferme d’élevage d’Hexaplex trunculus [4] est installée à Haïfa.
Aujourd’hui, plusieurs autorités halakhiques [5] reconnaissent la validité du tekhelet moderne. Des figures comme le Rav Hershel Schachter, le Rav Zalman Nechemia Goldberg et le Rav Shlomo Machpud estiment que les preuves accumulées [6] sont suffisamment solides pour permettre la restauration de cette mitsva oubliée.

[1] Josué 2:18 : « cordon de fil écarlate » (תִּקְוַת חוּט הַשָּׁנִי) ; Josué 2:21 : « cordon écarlate » (תִּקְוַת הַשָּׁנִי).
Le mot תִּקְוָה, de la racine קוה (espérer, tendre une corde), exprime une attente active et tendue. Dans la tradition kabbalistique, ce fil est associé à la protection contre le mauvais œil. Deux mots, deux registres. Le texte aurait pu se contenter d’un mot générique comme חֶבֶל (hevel – simple corde). Mais il choisit délibérément פְּתִיל (ptil), un fil torsadé, codifié, un rappel sacré de l’alliance. Et de l’autre côté, תִּקְוָה (tikva), porteur de toute la charge de l’attente, du salut espéré.
[2] Rebbe Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner (1839–1891), maître hassidique de Radzin, pionnier de la redécouverte du tekhelet au XIXᵉ siècle.
[3] Rav Eliézer Yossef Tavger (1948–2022), physicien et enseignant de Torah. En 1988, il réalisa la première teinture halakhique de tekhelet depuis plus de 1300 ans.
[4] Hexaplex trunculus (ou Murex trunculus) : gastéropode marin identifié comme le ḥilazon biblique. Le Talmud (Menachot 42b–44a) donne plusieurs indices : « son corps ressemble à la mer » – l’hexaplex trunculus vit en Méditerranée, et sa coquille irisée évoque les reflets marins, « il ressemble à un poisson » il a une forme spiralée et pisciforme, « son sang sert à la teinture » sa sécrétion glandulaire vire au bleu sous l’effet du soleil (Il faut environ 30 coquillages pour teindre un jeu complet de tsitsit en tekhelet).
[5] Autorités halakhiques :
– Le Rav Tsvi Hershel Schechter (1941), est l’un des principaux décisionnaires de l’orthodoxie aux États-Unis. Il dirige la Yeshiva Rabénou Its’hak El’hanan à New York. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Guinat Egoz (2007), dans lequel il traite des lois relatives du tékhelet.
– Le Rav Zalman Nechemia Goldberg (1931–2020), ancien Av Beit Din à Jérusalem, directeur de l’Encyclopédie Talmudique.
– Le Rav Shlomo Machpud (1946), décisionnaire séfarade d’origine yéménite basé à Bnei Brak, dirige l’agence de kashrout Yoreh Deah, reconnue pour son exigence halakhique. Il encourage le retour du tekhelet dans les tsitsit, une mitsva authentique à rétablir.
[6] Preuves accumulées : Des fragments de textiles teints en tekhelet et en argaman (cramoisi teinture extraite du Bolinus brandaris) ont été découverts à Massada et dans le désert de Judée. Des analyses chimiques et spectroscopiques très poussées ont été réalisées sur ces fragments de textiles et sur les colorants qui ont confirmé l’utilisation du hexaplex trunculus. Des fouilles d’ateliers phéniciens ont révélé des milliers de coquilles brisées. Pline l’Ancien (Naturalis Historia, Livre IX) mentionne huit genres de coquillages utilisés pour produire des teintures bleues ou pourpres, et décrit précisément le procédé de fabrication.

Synagogue Maguen David, Mexico

1964

Beha’alotekha (בהעלותךlorsque tu feras monter)
Nombres 8:1–12:16 et Zacharie 2:14–4:7

la paracha s’ouvre sur l’ordre donné à Aaron d’allumer la ménorah, et la consécration des Lévites. Dans la haftara, le prophète Zacharie décrit la vision de la ménorah et la consécration du Cohen Gadol Yéchoua.

Psaume 29:2 (Qabalat Chabat [1])
הָבוּ לַה’, כְּבוֹד שְׁמוֹ; הִשְׁתַּחֲווּ לַה’, בְּהַדְרַת-קֹדֶשׁ
Rendez hommage au nom glorieux de l’Éternel,
adorez l’Éternel dans son superbe sanctuaire

Construite en 1964, la Synagogue Maguen David de Mexico est une œuvre architecturale conçue par Mathias Goeritz [2], mêlant modernisme et tradition juive. Son imposante Étoile de David, soutenue par deux colonnes monumentales, capte immédiatement l’attention. À l’intérieur, l’-inscription du Psaume 29:2 sur le balcon des femmes fait face à une grande ménorah, placée près d’un hekhal semi-circulaire. La lumière naturelle et les vitraux colorés créent une atmosphère propice à la prière.

Présente depuis le XVIe siècle avec les conversos [3] fuyant l’Inquisition espagnole, la communauté juive mexicaine s’est consolidée avec les vagues migratoires du XXe siècle [4]. Aujourd’hui, elle compte environ 40 000 membres et dispose d’institutions éducatives, religieuses et culturelles qui reflètent sa diversité.

[1] Qabalat Chabat : Rituel de réception du Chabat, introduit par les kabbalistes de Safed au XVIe siècle.
[2] Werner Mathias Goeritz Brunner (1915–1990), artiste et architecte germano-mexicain, pionnier de
l’architecture émotionnelle et contribué à des projets emblématiques tels que les Torres de Satélite.
[3] Conversos : Juifs espagnols convertis de force au christianisme sous la menace de l’Inquisition.
[4] Deux grandes vagues migratoires : La première, dès le début du XXe siècle, en provenance des pays musulmans, la seconde, entre les deux guerres mondiales, en provenance d’Europe de l’Est.

Amulettes de Ketef Hinnom, Israël

fin du VIIᵉ siècle AEC

Nasso (נשא – Relève)
Nombres 4:21–7:89 et Juges 13:2–25

La parasha Nasso traite du rôle des Lévites, de la Sota, des lois de pureté et du naziréat. Elle invoque paix et protection sur Israël, et se termine par les offrandes tribales pour l’inauguration du Tabernacle. Dans la haftara, un ange annonce la naissance de Samson, consacré dès sa naissance au naziréat.

Nombres 6:24-26 (Bénédiction sacerdotale)
יְבָרֶכְךָ ה’ וְיִשְׁמְרֶךָ
יָאֵר ה’ פָּנָיו אֵלֶיךָ וִיחֻנֶּךָּ
יִשָּׂא ה’ פָּנָיו אֵלֶיךָ וְיָשֵׂם לְךָ שָׁלוֹם

Que l’Éternel te bénisse et te garde !
Que l’Éternel t’éclaire et te soit favorable.
Que l’Éternel tourne sa face vers toi et te donne la paix !

En 1979, l’archéologue Gabriel Barkay [1] dirigeait des fouilles archéologiques à l’endroit où se rejoignent les vallées de Rephaïm et de Hinnom, à Jérusalem. Lors de ces fouilles, un jeune participant mit au jour une chambre funéraire secrète contenant plus de 1 000 objets : argenterie, or, ossements, pierres précieuses, pointes de flèche… et surtout deux minuscules rouleaux d’argent, longs de 2,5 cm, datant de la fin du VIIᵉ siècle AEC à l’époque du Premier Temple, avant l’exil babylonien. Ces rouleaux, appelés amulettes de Ketef Hinnom, sont les plus anciens fragments de textes bibliques connus à ce jour, antérieurs de plusieurs siècles aux célèbres manuscrits de la mer Morte. Ils contiennent un texte gravé en hébreu ancien reprenant la Bénédiction sacerdotale de la parasha Nasso.
En raison de leur extrême fragilité, il fallut trois ans de travail minutieux pour les dérouler sans les briser. Leur contenu démontre que certains passages bibliques étaient non seulement rédigés, mais déjà utilisés dans un contexte liturgique et apotropaïque (de protection) dès l’époque du prophète Jérémie.
Elles sont aujourd’hui conservées et exposées dans l’aile archéologique du Musée d’Israël à Jérusalem.

[1] Gabriel Barkay (né en 1944 en Hongrie) est un archéologue israélien, spécialiste de l’archéologie biblique et de l’histoire de Jérusalem. En 1999, le Waqf islamique, gestionnaire de l’Esplanade des Mosquées, a procédé à d’importants travaux de construction sans autorisation ni supervision archéologique, notamment à l’agrandissement d’une mosquée souterraine sous le Mont du Temple. Ces travaux ont entraîné la destruction délibérée et illégale de vestiges archéologiques uniques. Pour sauver ce qui pouvait l’être, Barkay cofonde avec Zachi Dvira le Temple Mount Sifting Project visant à tamiser et étudier les 9 000 tonnes de déblais extraits du site. Ce projet a permis de récupérer des milliers d’objets couvrant près de 3 000 ans d’histoire, malgré les pertes irréversibles infligées au patrimoine archéologique.

Kingston, Jamaïque

1912

Bamidbar (במדבר – Dans le désert)
Nombres 1:1–4:20 et Osée 2:1–22

Dans le désert du Sinaï, Dieu ordonne à Moché de recenser les enfants d’Israël et d’établir une structure organisée pour le peuple, définissant la disposition des camps, l’ordre de marche et la répartition des tâches. Le prophète Osée aborde le destin d’Israël sous une perspective symbolique : il compare le peuple au sable de la mer, illustrant ainsi sa croissance et sa pérennité.

Osée 2:1
וְהָיָה, מִסְפַּר בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, כְּחוֹל הַיָּם, אֲשֶׁר לֹא-יִמַּד, וְלֹא יִסָּפֵר
Cependant, le nombre des enfants d’Israël sera comme le sable de la mer, qu’on ne peut ni mesurer ni compter.

Osée utilise cette image puissante pour rappeler l’alliance originelle avec les patriarches [1] et souligner la continuité de la promesse divine à travers les générations.

La présence juive en Jamaïque remonte au milieu du XVIIe siècle, lorsque des Juifs séfarades, fuyant l’Inquisition espagnole [2], trouvèrent refuge sur l’île alors sous domination britannique. La synagogue Kahal Kadosh Sha’are Shalom de Kingston témoigne de l’histoire juive locale. Construite en 1885, elle fut détruite en 1907 par un tremblement de terre ravageant une grande partie de la ville. À la suite de cette catastrophe, les six frères Henriques s’unirent pour participer à sa reconstruction ainsi qu’à celle de Kingston. Terminée en 1912 dans un style colonial britannique, la synagogue se distingue par son orgue à tuyaux de 52 jeux. Mais ce qui la rend particulièrement remarquable, c’est son sol recouvert de sable [3] blanc—une tradition héritée des Juifs de la péninsule Ibérique, utilisée pour étouffer le bruit de leurs prières.

Adjacent à la synagogue, le Musée de l’histoire juive jamaïcaine est réputé pour sa riche collection judaïque, l’une des plus remarquables des Caraïbes.

Mais l’histoire juive de Kingston ne se limite pas aux objets exposés : elle se lit aussi dans les pierres tombales du cimetière juif de Hunt’s Bay, certaines ornées du Jolly Roger [4] appartenant à des Juifs séfarades [5] devenus flibustiers.

[1] Promesse biblique : Je te comblerai de mes faveurs ; je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel et comme le sable du rivage de la mer, et ta postérité conquerra les portes de ses ennemis. (Genèse 22:17)
[2] L’Inquisition espagnole fut instituée en 1478 et entraîna la persécution des Juifs, notamment avec les décrets d’expulsion d’Espagne en 1492 et du Portugal en 1497. Certains Juifs se réfugièrent dans les colonies dès le XVIe siècle, mais la Jamaïque étant sous domination espagnole jusqu’en 1655, la présence juive y était limitée avant la conquête anglaise.
[3] Sable : outre la discrétion et l’alliance originelle, une autre explication serait qu’il symbolise le désert du Sinaï,
[4] Jolly Roger : Le célèbre pavillon pirate arborant un crâne et des os croisés – un Memento Mori (Souviens-toi que tu vas mourir) – utilisé par certains corsaires et flibustiers juifs.
[5] Figures juives liées à la flibuste en Jamaïque et dans les Caraïbes :
– Moses Cohen Henriques
(1595 – après 1681) – Juif séfarade ayant fui l’Inquisition espagnole, il s’illustre en 1628 en aidant l’amiral néerlandais Piet Pieterszoon Hein (15771629) à capturer une flotte espagnole chargée d’or et d’argent, un butin estimé à un milliard de dollars aujourd’hui. Après la reconquête portugaise du Brésil en 1654, il se réfugie en Jamaïque, où il contribue à l’établissement de la communauté juive et aurait conseillé le célèbre corsaire Le Capitaine Morgan (Sir Harri Morgan, 1635-1688) à Port Royal.
David Abrabanel (XVIIe siècle) – Connu sous le nom de « Captain Davis », ce flibustier juif commande le navire « Jerusalem » et mène des raids indépendants (sans mandat officiel
) contre les Espagnols en représailles aux persécutions subies par sa famille.
Yaacov Kuriel (XVIIe siècle) – Ancien capitaine espagnol, capturé par l’Inquisition il est  libéré par ses propres marins, pour la plupart marranes. Il prend alors la mer avec trois navires et mene des attaques contre les Espagnols aux Caraïbes.

Sdé Eliahou, Israël

1938

Behar-Be’houqotaï (בְּהַר – « sur la montagne », בְּחֻקֹּתַי – « dans Mes lois »)
Lévitique 25:1 – 27:34 et Jérémie 16:19-17:14

La paracha Behar-Be’houqotaï enseigne les lois du Yovel [1] et de la Chemita [2], rappelant que la terre appartient à Dieu et doit être cultivée avec respect. Elle évoque les bénédictions liées à l’obéissance, ainsi que les malédictions en cas de transgression, affirmant la fidélité constante à Son alliance. La Haftara de Jérémie souligne l’importance de faire confiance à Dieu plutôt qu’en la richesse ou la puissance. L’homme, gardien de la terre, doit l’utiliser avec sagesse, foi et équité.

Jérémie 17:7
בָּרוּךְ הַגֶּבֶר, אֲשֶׁר יִבְטַח בַּה’; וְהָיָה ה’, מִבְטַחוֹ.
Béni soit l’homme qui se confie en Dieu, et dont Dieu est l’espoir.

Cette confiance se reflète dans la manière dont la terre est cultivée au kibboutz Sdé Eliyahou. Ce kibboutz pratique l’agriculture biologique et utilise des insectes [3] pour lutter contre les ravageurs et assurer la pollinisation dans les serres et les champs ouverts.
Dans ce kibboutz religieux, une synagogue, un beit midrash, une école religieuse régionale, un oulpan et un programme de bénévolat offrent un cadre de vie et d’apprentissage fondé sur les traditions juives. Les étudiants alternent trois jours de travail et trois jours d’études, bénéficiant de dortoirs, salles de pause et espaces de vie dédiés.

Sdé Eliyahou, situé à 5 kilomètres au sud de Beth Shéan, dans la vallée des Sources à 200 mètres sous le niveau de la mer, a été fondé en mai 1938 par un groupe de jeunes juifs allemands, selon le modèle ‘Homa Ou-Migdal (חומה ומגדל – palissade et tour). Cette méthode, utilisée sous le mandat britannique, permettait d’établir rapidement des implantations agricoles sécurisées en érigeant une tour de guet et une palissade en bois en une seule nuit. Le nom du kibboutz rend hommage au rabbin Eliyahou Guttmacher [4], une figure du XIXe siècle qui soutenait le sionisme religieux.

[1] Yovel (Jubilé) : prévu en 5802 (2041-2042), année jubilaire célébrée tous les 50 ans avec libération des terres et des esclaves.
[2] Chemitta (année sabbatique) : prévue en 5789 (2028-2029) et 5796 (2035-2036), observée tous les 7 ans avec repos de la terre et annulation des dettes.
[3] En 1983, le kibboutz a créé la société Sde Eliyahu Biological Control Insectaries, aujourd’hui BioBee, qui diffuse ses produits à l’international. Cette entreprise développe des techniques de lutte biologique contre les ravageurs, utilise la technique des insectes stériles et fournit des bourdons pour la pollinisation.
[4] Originaire de Pologne, Eliyahou Guttmacher (1795-1874) était un rabbin et kabbaliste, précurseur du sionisme religieux. Il encourageait l’installation agricole juive en Terre d’Israël comme voie vers la rédemption.

Rav Eliyahou Guttmacher ——————————  ‘Homa Ou-Migdal (חומה ומגדל – palissade et tour)

Mikvé du Ari HaKadoch, Safed

XVIe siécle

Emor (אמור – dis)
 Lévitique 21:1-24:23 et Ézéchiel 44:15-31

La paracha Emor et sa haftarah mettent en lumière l’importance de la pureté dans le service divin. Alors que la Torah établit les règles de purification applicables dans le Michkan (le Tabernacle), le prophète Ézéchiel en annonce la continuité et l’accomplissement dans le Temple futur.

Ézéchiel 44:23
וְאֶת-עַמִּי יוֹרוּ, בֵּין קֹדֶשׁ לְחֹל; וּבֵין-טָמֵא לְטָהוֹר, יוֹדִעֻם.
Ils enseigneront à mon peuple à distinguer ce qui est saint de ce qui est profane, ils lui feront connaître la différence entre ce qui est impur et ce qui est pur.

Mikvé du Ari HaKadoch
Ce verset révèle le rôle des prêtres comme source de transmission de la pureté et de la sainteté au peuple — une dimension spirituelle qui se concrétise dans des lieux de purification comme le Mikvé du Ari HaKadoch à Safed. Situé près de l’entrée supérieure du cimetière de la ville, ce bassin revêt une profonde importance spirituelle et mystique. Selon la tradition, le Ari HaKadoch[1] s’y immergeait chaque jour. Alimenté directement par une nappe phréatique, le mikvé offre une eau pure et fraîche (entre 10°C et 15°C). Aujourd’hui, ce lieu accueille des visiteurs du monde entier, en quête de purification et d’élévation spirituelle. Plus bas sur la colline reposent le Ari HaKadoch et son fils, Rabbi Moché Louria.

Les Kabbalistes de Safed
À Safed, avant l’arrivée du Ari HaKadoch, le Ramak[2] dirigeait une école kabbalistique. Il structura les enseignements mystiques à travers son œuvre Pardes Rimonim[3]. À son décès, le Ari HaKadoch reprit son enseignement en introduisant des concepts majeurs[4]. Bien qu’il ait peu écrit, ses enseignements furent recueillis et diffusés par Rabbi Haïm Vital[5], son principal disciple.

Notes
[1] Rabbi Yitzhak Louria Achkenazi (1534–1572) était appelé « Achkenazi » en raison de l’origine achkénaze de son père. Il a grandi au Caire dans un environnement séfarade et s’installa à Safed, qui, au XVIe siècle, était un centre majeur de la mystique juive séfarade. Il priait et vivait selon le rite séfarade, et la plupart de ses disciples étaient également séfarades.
L’acronyme Ari (האר »י) provient de האלוקי רב יצחק (Ha-Eloqi Rav Yitzhak), signifiant « Le divin rabbin Yitzhak ». Cet acronyme est aussi interprété comme Achkenazi Rabbi Yitzhak ou Adoneinu Rabbeinou Yitzhak (« Notre maître, notre rabbin Yitzhak »). Il est également connu sous les noms Ari zal (Ari, sa mémoire est une bénédiction) et Ari HaKadoch (Ari, le Saint).
[2] Rabbi Moché ben Yaakov Cordovero (1522–1570) fut une figure majeure de la Kabbale. Il structura les enseignements kabbalistiques et influença profondément le développement de la mystique juive à Safed. Il est également connu sous l’acronyme רמ״ק (Ramak).
[3] Pardes Rimonim (פרדס רימונים), qui signifie « Le Verger des Grenades », est une œuvre majeure de la Kabbale. Son titre fait référence à deux éléments symboliques :
Pardès (פרדס) qui est l’acronyme des quatre niveaux d’interprétation de la Torah : Pchat (פשט) pour le sens littéral, Remez (רמז) pour l’allusion, Drach (דרש) pour l’interprétation homilétique et Sod (סוד) pour le sens mystique.
Rimonim (רימונים), qui signifie grenades, est un symbole de sagesse, et le nombre de grains de ce fruit fait référence aux 613 mitsvot (commandements) de la Torah.
[4] Concepts kabbalistiques introduits par le Ari HaKadoch :.
Tsimtsoum : Contraction ou retrait de la présence divine afin de laisser un espace pour la création.
Chevirat Ha-Kelim : « Brisure des vases », événement cosmique à l’origine du désordre primordial.
Tikkoun Olam : « Réparation du monde » par des actes de bonté et de sainteté.
[5] Rabbi Haïm Vital (1542–1620), principal disciple du Ari, fixa ses enseignements dans des textes fondamentaux, dont Etz Ha’Hayim (L’Arbre de Vie) et Cha’ar HaGuilgoulim (La Porte des Réincarnations). Son fils, Rabbi Samuel Vital (1598–1677), assura la transmission de cet enseignement à travers le monde juif oriental.

Versailles, Yvelines, France

1886

A’haré Mot ([אחרי [מות – après [la mort]) – Qédochim (קדושים – saints)
Lévitique 16:1–20:27 et Amos 9:7–15

Ces versets rassemblent des lois relatives à la sainteté, à la pureté rituelle, aux relations interdites, à la justice et à la charité.

Lévitique 19:18
וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Ce verset[1] est gravé au-dessus de la grande rosace ornée d’une étoile de David sur la façade principale de la synagogue de Versailles. Ce bâtiment, construit entre 1884 et 1886 dans un style néo-byzantin, se distingue par sa composition symétrique, ses arcs en plein cintre, ses inscriptions en hébreu et son faitage en pierre sculpté représentant les rouleaux de la Torah.

L’édifice a été conçu par l’architecte Alfred-Philibert Aldrophe[2], une figure majeure de l’architecture religieuse juive en France à la fin du XIXᵉ siècle. Sa réalisation fut rendue possible grâce au soutien financier de la philanthrope Cécile Furtado-Heine[3], à une époque marquée par l’arrivée massive de familles juives alsaciennes et lorraines après la guerre de 1870[4].

Classée monument historique depuis 2010, la synagogue reste aujourd’hui un lieu de culte actif, desservant une communauté majoritairement séfarade. Avant sa construction, les Juifs de Versailles, présents depuis le XVIIIᵉ siècle, pratiquaient leur culte dans de modestes oratoires, notamment rue de Saint-Cloud.

[1] L’inscription au dessus de la rosace combine deux versets : Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu (Deutéronome 6:5) et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lévitique 19:18). Au-dessus du portail central, figure également un autre verset : Béni sois-tu à ton arrivée et béni sois-tu à ton départ (Deutéronome 28:6).
[2] Alfred-Philibert Aldrophe (1834–1895), architecte français, est notamment l’auteur de la synagogue de la rue de la Victoire à Paris, une œuvre emblématique du judaïsme français.
[3] Cécile Charlotte Furtado-Heine (1821–1896), grande mécène juive, a soutenu de nombreuses œuvres sociales et religieuses, en particulier la construction d’hôpitaux et de synagogues.
[4] Après la défaite de Napoléon III à Sedan, l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Empire allemand en 1871 entraîna l’exil de nombreuses familles juives francophones. Certaines trouvèrent refuge en France et en Algérie, tandis que d’autres s’installèrent en Suisse ou aux États-Unis, notamment en Louisiane, en Pennsylvanie et à New York. Quelques familles émigrèrent également vers l’Argentine ou le Brésil, tandis que d’autres optèrent pour l’Empire ottoman.

Pavillon de l’Eau, Paris

1828 / 2001

Tazria (תזריע – elle concevra) Metsora (מצורע – personne atteinte de tzaraat [1])
Lévitique 12:1-15:33 et Rois II 7:3-20.

Les sections Tazria-Metsora traitent les lois de pureté rituelle et les rites de purification, où l’eau symbolise le renouveau et la transition spirituelle.

Lévitique 14:8
וְכִבֶּס אֶת-בְּגָדָיו, וְרָחַץ אֶת-בְּשָׂרוֹ בַּמַּיִם–וְטָהֵר. 
Il lavera ses vêtements, baignera son corps dans l’eau, et deviendra pur.

En 1828, une pompe à feu[2] est installée entre le quai d’Auteuil et la route de Versailles pour puiser l’eau de la Seine et alimenter les réservoirs de Passy, assurant ainsi le stockage et la distribution d’eau potable. Entre 1900 et 1925, la société Pacotte & Cie remplace cette pompe par une usine élévatoire[3] moderne. L’installation comprend cinq bâtiments mêlant meulière, briques claires et rouges, ainsi que des éléments métalliques, caractéristiques du style industriel de cette période. L’usine cesse ses activités en 1955.

La Ville de Paris initie un projet de reconversion du site et en 2001, elle met l’un des bâtiments à disposition du Grand Rabbin de Paris, David Messas[4], qui fonde le centre communautaire Maguen David – Ahavat Shalom. En 2019 le rabbin Ariel Messas qui poursuit l’œuvre de son père signe un bail emphytéotique d’une durée de 50 ans avec la ville de Paris et s’accorde avec la société gestionnaire du Pavillon de l’Eau[5] pour y accueillir également des repas chabbatiques, de bar-mitsva et d’autres célébrations.

[1] Tzara’at : Affections rituelles de la peau, des vêtements ou des murs, caractérisées par des plaques blanches, des taches ou des éruptions spécifiques.
[2] Pompe à feu : Technologie reposant sur des chaudières à bois ou à charbon pour alimenter les mécanismes de pompage.
[3] Usine élévatoire : Structure destinée à élever l’eau à des hauteurs suffisantes pour alimenter les réservoirs, en utilisant des pompes et un système de filtration basique.
[4] Le rabbin David Messas : Né en 1934 à Meknès (Maroc) a étudié à la Yechiva Keter Torah de Casablanca, à Aix-les-Bains et à Grenoble. Grand rabbin de Genève (1989-1995), puis de Paris (1995-2011), il a marqué la communauté juive par son érudition et son dévouement. Il a été décoré de la Légion d’Honneur et de son équivalent marocain, la Ouissam Alaouite.

[5] Pavillon de l’Eau : En 2007, sous la maîtrise d’ouvrage d’Eau de Paris, l’architecte Vincent Brossy transforme un des bâtiments en centre dédié à la préservation des ressources et à l’accès à l’eau potable.

Worms, Allemagne

Chemini (שְׁמִינִי – huitième)
Lévitique 9:1 – 11:46 et 2 Samuel 6:1-19

La paracha Chemini(1) traite de l’inauguration du Tabernacle et la haftarah le transfert de l’Arche d’Alliance à Jérusalem, deux récits mêlant joie intense et tragédies(2).

Lévitique 10:16
ואת שעיר החטאת דרש דרש משה
Et Moïse chercha avec insistance le bouc du sacrifice pour le péché …

Le mot דרש (darash, signifiant « chercher » ou « étudier ») se trouve au centre(3) de la Torah. Cela nous enseigne que l’étude doit occuper une place centrale et fondamentale dans nos vies. Ce mot est présent dans le verset central, que Rachi(4) interprète comme la nécessité d’équilibrer le respect des commandements divins avec les réalités humaines. C’est à Troyes que Rachi écrivit ses commentaires après avoir étudié à Mayence, puis à Worms.

Worms, surnommée la petite Jérusalem de la vallée du Rhin, est un centre historique majeur du judaïsme européen. La présence d’une communauté juive y est attestée dès le début du Moyen Âge. Le quartier juif de Worms, reconstruit en 1961, abrite une synagogue romano-gothique fondée en 1034, la Maison Rachi devenue un musée en 1982, le mikvé datant du XIIe siècle, et le Heilige Sand(5).

(1) Chemini : le chiffre huit représente une transcendance au-delà du naturel et du cyclique, une élévation vers l’infini.
(2) Dans la paracha, la joie de l’inauguration du Tabernacle est assombrie par la mort de Nadav et Avihou, les fils d’Aaron. Dans la haftarah, le transfert de l’Arche d’Alliance à Jérusalem est marqué par la mort d’Ouzza, l’un des fils d’Abinadab.
(3) La paracha Chemini contient : Le verset central (le 2 923ᵉ), Le mot central דרש (39 924ᵉ), lié à la recherche et à l’étude (de la racine ד-ר-ש proviennent les mots suivants : דרש (darach – « il a étudié »), מדרש (midrach – « interprétation » ou « exégèse »), דורש (dorech – « chercheur »), דרשה (dracha – « sermon »), דרישות (drichot – « exigences »)). La lettre centrale, le ו (vav) du mot גחון (ga’hon – « ventre », levitique 11:42), lettre dont la forme symbolise la connexion entre le bas et le haut, la matière et l’esprit, ou l’humain et le divin.
(4) Rabbi Chlomo ben Itshak (רש »י – Rachi) naquit en 1040 à Troyes. À 15 ans, il étudia à Mayence auprès de Rabbi Yaakov ben Yakar. À la mort de ce dernier, en 1064, il poursuivit ses études à Worms auprès de Rabbi Itshaq Halévi haQadosh. À 30 ans, en 1070, il retourna à Troyes. Là, il fonda une école, se maria, travailla à sa vigne et rédigea ses célèbres commentaires. Il mourut à Troyes en 1105.
(5) Heilige Sand est l’appellation allemande de la plus ancienne nécropole juive conservée en Europe. Elle signifie littéralement « sable sacré ». Plus de 2 000 tombes y sont répertoriées, dont celle de Rabbi Meir de Rothenburg (1215-1293), le Maharam, une figure majeure du judaïsme médiéval ashkénaze. Maharam est l’acronyme de Morénou HaRav Rabbi Meir (מוהר »ם), signifiant « Notre maître, le rabbin Meir ».