Grand Rouleau d’Isaïe (1QIsaᵃ)

IIᵉ siècle AEC

Ki Tavo (כִּי-תָבוֹא – Lorsque tu entreras)
Deutéronome 26:1–29:8 • Isaïe 60:1–22

La paracha s’ouvre sur la loi des prémices (bikkourim), que chaque agriculteur doit apporter au lieu choisi par Dieu, accompagné d’une déclaration de gratitude. Elle présente ensuite la loi de la dîme (ma‘asser), destinée aux Lévites, aux orphelins, aux veuves et aux étrangers.
La Torah est gravée sur des pierres au mont Ébal, marquant l’alliance avec Dieu, et des sacrifices y sont offerts. Les Lévites proclament une série d’avertissements auxquels le peuple répond « Amen ». Sur le mont Garizim sont proclamées les bénédictions pour l’obéissance, tandis que sur le mont Ébal sont énoncées les malédictions liées à la transgression.
Dans la haftara, le prophète Isaïe décrit une Jérusalem restaurée, rayonnante de la lumière divine, vers laquelle affluent les nations dans un esprit de paix, de reconnaissance et de spiritualité.

Isaïe 60:1
קוּמִי אוֹרִי כִּי בָא אוֹרֵךְ
Lève-toi, resplendis, car ta lumière arrive

En 1947, dans le désert de Judée, près de Qumrân, un jeune berger découvre par hasard une grotte dissimulée dans les falaises. À l’intérieur, des jarres anciennes renferment des manuscrits vieux de plus de deux millénaires. Ces textes jettent une lumière nouvelle sur notre connaissance de cette époque.
Parmi les trésors mis au jour figure un rouleau complet du livre du prophète Isaïe (1QIsaᵃ), soigneusement rédigé sur des feuillets de cuir cousus entre eux. Long de 7,34 mètres, il contient les 66 chapitres du livre, dans un état remarquablement bien conservé.
Daté du IIᵉ siècle avant notre ère, ce manuscrit a été restauré avec une minutie exceptionnelle, permettant de préserver sa structure et sa lisibilité. Il est aujourd’hui exposé au Musée d’Israël, dans l’aile appelée Sanctuaire du Livre, où il continue d’éclairer chercheurs et visiteurs par son témoignage unique.

Synagogue des Cantonistes, Tomsk, Russie

1906

Ki-Tetsé (כִּי-תֵצֵא – lorsque tu partiras )
Deutéronome 21:10–25:19 & Isaïe 54:1–10

Ki-Tetsé énonce 74 commandements, ce qui en fait l’une des parachiot les plus riches en prescriptions de la Torah. Ces lois régissent divers aspects de la vie sociale, familiale et morale du peuple d’Israël. La paracha se conclut par l’injonction de se souvenir de ce qu’a fait Amalek, appel à une mémoire vigilante face à l’hostilité.
La haftarah, tirée du livre d’Isaïe, propose une vision de réconfort : Jérusalem, comparée à une femme stérile, est appelée à enfanter une multitude. Le prophète y réaffirme l’alliance éternelle entre Dieu et son peuple.

Deutéronome 21:10
כִּי-תֵצֵא לַמִּלְחָמָה עַל-אֹיְבֶךָ
Lorsque tu sortiras en guerre contre tes ennemis…

La Synagogue des Cantonistes[1] de Tomsk fut édifiée en 1906. Confisquée par les autorités soviétiques en 1930, elle fut transformée en logements municipaux. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle fut restituée à la communauté juive locale.
À l’intérieur, les lambris d’origine sont encore visibles sous une couche de badigeon clair. L’arche sainte, restaurée avec soin, est ornée d’un rideau brodé portant les initiales de Tzvi Hertz Yankelowitz, l’un des cantonistes fondateurs de la synagogue.
Ce bâtiment en bois massif, rare témoin de l’architecture religieuse juive sibérienne, a fait l’objet d’une restauration complète afin d’être reconverti en musée du judaïsme en Sibérie. Il constitue aujourd’hui l’un des derniers exemples préservés de ce style architectural unique.

[1] Les cantonistes étaient des garçons juifs enrôlés de force dans les écoles militaires de l’Empire russe à partir de 1827, sous le règne du tsar Nicolas Ier. Un décret impérial imposait aux communautés juives de fournir un quota d’enfants, souvent âgés de 8 à 12 ans, pour suivre une formation militaire. A l’âge de 18 ans, ces enfants étaient intégrés dans l’armée pour une durée de 25 ans. Ce système fut aboli en 1857 sous le règne d’Alexandre II.

Wilkes-Barre, Pennsylvanie

1932

Choftim (שופטים – Juges)
Deutéronome 16:18–21:9 et Isaïe 51:12–52:12

La paracha trace les fondements d’une société régie par la justice : tribunaux équitables, interdiction de la corruption, limites du pouvoir royal, rôle du prophète, lois de la guerre et responsabilité collective. Dans la haftara, lue dans le cadre des sept semaines de consolation après Tisha BeAv, le prophète Isaïe annonce la fin de l’exil, le réveil de Jérusalem, et la marche vers la rédemption. Le peuple est appelé à se relever, à se purifier, à se préparer à la délivrance.

Deutéronome 16:20
צֶדֶק צֶדֶק תִּרְדֹּף
C’est la justice, la justice seule que tu dois rechercher

Fondée en 1863, Ohav Zedek (אהב צדק – Celui qui aime la justice) est l’une des plus anciennes institutions juives de Wilkes-Barre, ville ouvrière du nord-est de la Pennsylvanie. Elle fut établie par des immigrants venus d’Europe centrale, notamment d’Autriche et de Hongrie. En 1892, la communauté fut officiellement enregistrée sous le nom de Congregation Ohav Zedek Anshe Ungarn[1].

Le bâtiment actuel[2], construit en 1932 selon les plans de l’architecte Austin Reilly[3], adopte un style mauresque, avec une façade ornée de tuiles colorées. L’intérieur présente une particularité rare : la galerie des femmes est suspendue depuis la structure supérieure, évitant les colonnes qui obstruent la vue — une innovation architecturale notable. Le chantier fut dirigé par l’entrepreneur William Schmalzriedt[4].


[1] Congrégation Celui qui aime la justice – Les hommes de Hongrie : Congregation : terme anglais courant dans les noms de synagogues américaines, Ohav Zedek (אהב צדק) : hébreu pour Celui qui aime la justice, Anshe Ungarn (אַנשֵי אוּנְגַארְן) : yiddish pour Les hommes de Hongrie.
[2] La synagogue Ohav Zedek peut être explorée en ligne grâce au projet Synagogues360, qui documente visuellement les lieux de culte juifs à travers le monde. Lien direct
[3] Austin Reilly : Architecte actif dans le nord-est de la Pennsylvanie dans les années 1920–1930, Austin Reilly est connu pour avoir conçu plusieurs bâtiments publics et religieux dans le comté de Luzerne. Son style mêle influences mauresques et fonctionnalité moderne. Il est mentionné comme architecte principal du bâtiment de 1932 dans les archives municipales de Wilkes-Barre.
[4] William Karl Schmalzriedt (1911–2001) : Entrepreneur en bâtiment basé à Wilkes-Barre, Schmalzriedt dirigea la construction de la synagogue Ohav Zedek en 1932. Il est cité dans les registres de chantier et les archives de la communauté comme maître d’œuvre. Il participa également à la restauration du bâtiment après les inondations de 1972 causées par la crue de la rivière Susquehanna.

Har Brakha, Samarie

1983/90

Re’eh (רְאֵה – Vois)
Deutéronome 11:26–16:17 et Isaïe 54:11–55:5

Moché appelle le peuple à voir et à choisir : bénédiction ou malédiction, selon leur fidélité aux commandements. Le texte développe les lois sur le culte centralisé, la cacherout, la tzedaka et les fêtes de pèlerinage. La haftara d’Isaïe évoque la consolation de Jérusalem reconstruite et l’alliance éternelle entre Dieu et son peuple.

Deutéronome 11:29
וְנָתַתָּה אֶת-הַבְּרָכָה עַל-הַר גְּרִזִים
Tu placeras la bénédiction sur le mont Guérizim

C’est en Samarie, sur les pentes du mont Guérizim, que fut fondée en 1983 la communauté juive de Har Brakha (הר ברכה – Montagne de la bénédiction). Le choix du lieu n’est pas anodin : il correspond exactement au verset de Re’eh, qui désigne Har Guérizim comme le site de la bénédiction lors de l’entrée du peuple en Terre promise.

Har Brakha fut fondée dans le cadre du mouvement des implantations post-1977, à une époque où la Samarie retrouvait une présence juive après près de deux millénaires. Initialement établie comme un avant-poste militaire de type Nahal, elle fut démilitarisée et transformée en communauté civile à Yom Ha’atzmaout 1983.

La yéchiva dirigée par le Rav Eliezer Melamed, auteur de la série halakhique Peninei Halakha, est devenue un centre d’étude et de rayonnement spirituel. Elle attire chaque année des dizaines d’étudiants, dont beaucoup choisissent de s’installer durablement sur place après leurs études.

La synagogue principale de Har Bracha, construite dans les années 1990, adopte un style sobre et fonctionnel, typique des implantations de montagne : pierre locale, coupole basse, et vitraux inspirés des bénédictions bibliques.

Aujourd’hui, Har Brakha compte plus de 3.000 habitants, répartis en plusieurs quartiers. La population est majoritairement composée de jeunes familles religieuses, avec une forte natalité et une vie communautaire dynamique. On y trouve des écoles, des jardins d’enfants, des commerces, et une bibliothèque judaïque.

Yotvata, Israël

1957

Paracha Matot–Massé et Roch ‘Hodech Av
Nombres 30,2 – 36,13 (Matot–Massé), Nombres 28,9–15 (Roch ‘Hodech), Isaïe 66,1–24 (Roch ‘Hodech)

La double paracha Matot–Massé clôt le livre des Nombres. Elle traite des lois relatives aux vœux et relate la guerre contre Madian. Elle décrit également l’installation des tribus de Ruben, Gad et de la moitié de Manassé à l’est du Jourdain. Suivent l’énumération des 42 étapes de l’errance dans le désert, les règles pour le partage de la Terre, l’établissement des villes de refuge, ainsi que la question de l’héritage des filles de Tsélof’had.
Dans la haftarah, le prophète Isaïe dépeint une Jérusalem messianique — source de paix et centre d’adoration universelle.

Nombres 33:33
וַיִּסְעוּ, מֵחֹר הַגִּדְגָּד; וַיַּחֲנוּ, בְּיָטְבָתָה
Ils partirent de Hor-Hagidgad et campèrent à Yotvata.

Ce verset inscrit Yotvata[2] parmi les 42 étapes de l’errance dans le désert. Quand l’histoire s’enracine, le désert devient fertile.

Le kibboutz Yotvata fut fondé en 1957 par le mouvement Naḥal[3], près d’Éin Radian — une source naturelle majeure dans la vallée de l’Arava, à 42 km au nord d’Éilat — à proximité des ruines d’un fort romain.

Dès sa création, Yotvata a établi l’école régionale Ma’aleh Shaharut[4], qui allie études académiques, conscience environnementale et engagement civique. Le kibboutz accueille également un internat du programme Na’alé[5].

Dans les années 1960, un centre agricole a été mis en place, combinant recherches géologiques et agronomiques, innovations en irrigation et cultures sous serre. Des panneaux solaires couvrent aujourd’hui une grande partie des besoins en électricité, et les eaux usées sont recyclées pour l’irrigation.

La laiterie Yotvata[6], fondée en 1962, transforme le lait produit localement en plus de quarante produits distribués dans tout Israël.

Adossée au kibboutz, la réserve Hai-Bar œuvre à la réintroduction d’espèces bibliques dans le Néguev — onagre, oryx, gazelle et hyène.


[1] Inyan ha-yom – Le sujet du jour prime :
Lorsqu’une haftarah spéciale est prescrite (par exemple pour Roch ‘Hodech, Hanouka), elle prend le pas sur la haftarah régulière de la paracha hebdomadaire (Oraḥ Ḥaïm 425:1 ; Michna Beroura 425:7).
[2] Etape de Yotvata :
Deutéronome 10:7 qualifie Yotvata de « terre de ruisseaux d’eau ». Certains commentateurs relient son nom à la racine hébraïque ט‑ו‑ב (tov, « bon »).
[3] Naḥal (No‘ar Ḥalutzi Loḥem) —  Jeunesse pionnière combattante :
Unité de Tsahal fondée en 1948 pour combiner service militaire et établissement de colonies agricoles.
[4] Ma’aleh Shaharut :
L’école accueille environ 600 élèves issus des onze communautés du Conseil régional de Hevel Eilot, dont Yotvata fait partie. Sous l’égide du ministère israélien de l’Éducation, elle propose un enseignement pluraliste alliant académique, environnement et civisme.
[5] Na’alé (No‘ar Oleh Lifnei Horim) :
Programme gouvernemental lancé en 1992, qui accueille des adolescents juifs du monde entier pour terminer leur scolarité en Israël avant que leurs familles ne fassent aliyah.
[6] La laiterie Yotvata :
Exploitée depuis 2000 en partenariat avec le groupe Strauss, elle est renommée pour ses boissons lactées au chocolat et autres produits laitiers.

Wolleka, Éthiopie

1942

Pin’has (פִּינְחָס)
 Nombres 25:10 – 30:1 et  Jérémie 1:1–2:3 [1]

Pin’has reçoit une alliance de paix et la prêtrise. Moché et Éléazar effectuent un nouveau recensement des tribus. Les filles de Tselofhad obtiennent le droit d’hériter de leur père. Josué est désigné comme successeur de Moché. Une description des sacrifices rituels est donnée. Le prophète Jérémie évoque l’attachement entre Dieu et Israël, né dans le désert.

Jérémie 2:2
זָכַרְתִּי לָךְ חֶסֶד נְעוּרַיִךְ, אַהֲבַת כְּלוּלֹתָיִךְ, לֶכְתֵךְ אַחֲרַי בַּמִּדְבָּר
Je me souviens de ton amour de jeunesse, de ton amour nuptial, quand tu me suivais dans le désert.

Aux abords de Gondar, sur la route menant aux montagnes du Simien, un panneau artisanal indique « Village juif de Wolleka Falasha ». Ce village fut le foyer d’une communauté juive éthiopienne – les Beta Israël – dont la pratique religieuse s’est développée indépendamment du judaïsme rabbinique, sans accès au Talmud ni aux institutions reconnues. Leurs traditions bibliques et sacerdotales, enracinées dans le désert, remonteraient à une époque antérieure à l’exil babylonien. Ce qui en fait un cas unique dans l’histoire juive.
Leur judaïsme était centré autour des qessotch[2] responsables de la lecture de l’Orit[3], chantée en guèze [4] et transmise oralement à travers les générations. En 1973, après une enquête du Grand Rabbinat d’Israël, le Rav Ovadia Yossef déclara officiellement « Ils sont les descendants de la tribu de Dan ».
En 1975, cette reconnaissance halakhique fut suivie d’une décision politique : le gouvernement israélien accorda aux Beta Israël le droit d’immigrer au titre de la Loi du Retour. De nombreux Juifs éthiopiens rejoignirent Israël lors d’aliyot massives. Certains traversèrent à pied le Soudan, au péril de leur vie, avant d’être évacués par avion[5]. D’autres partirent directement depuis Addis-Abeba[6].
Aujourd’hui, il n’y a plus de Juifs à Wolleka, mais le village conserve les traces de son passé : une synagogue en terre construite en 1942, décorée de peintures traditionnelles, un cimetière aux tombes bleues, et un mémorial dédié aux Beta Israël morts en route vers le Soudan. Une famille locale garde les clés de la synagogue et demande une petite somme pour visiter et entretenir les lieux. En valorisant ce patrimoine, les habitants mettent en avant les racines juives du village, devenu un lieu de mémoire plutôt qu’un simple site touristique.

[1] La haftara habituelle de Pin’has est tirée de 1 Rois 18:46 – 19:21, mais lorsqu’elle est lue après le 17 Tamouz, elle est remplacée par celle de Mattot : Jérémie 1:1 – 2:3.
[2] Qessotch : prêtres éthiopiens juifs, distincts des rabbins, responsables de la lecture de l’Orit et de la pureté rituelle.
[3] Orit : nom donné à la Torah chez les Beta Israël. Elle comprend : La Torah (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Les Prophètes (Josué, Juges, Samuel, Rois), Les Écrits (Psaumes, Proverbes, Job, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Esther) et Certains textes apocryphes : Livre d’Hénoch, Livre des Jubilés
[4] Guèze : langue liturgique ancienne utilisée par les Juifs éthiopiens, parfois appelée éthiopien classique. Langue chamito-sémitique, elle fut langue officielle du royaume d’Aksoum puis de l’empire d’Éthiopie.
[5] Opération Moïse (1984) : évacuation secrète de milliers de Juifs éthiopiens depuis le Soudan vers Israël.
[6] Opération Salomon (1991) : évacuation massive depuis Addis-Abeba, plus de 14 000 Juifs furent transportés en moins de 36 heures.

Deir Alla, Jordanie

VIIIᵉ siècle AEC

Balaq (בלק – Balaq)
Nombres 22:2 – 25:9 & Michée 5:6 – 6:8

Balak, roi de Moab, fait venir Bilaam, prophète païen originaire de Pethor[1], pour maudire Israël — mais sa bouche ne profère que des bénédictions. « Qu’elles sont belles tes tentes », dit-il, révélant la beauté intérieure du peuple juif. Le prophéte Michée prolonge ces bénédictions en affirmant que la vraie grandeur réside dans la justice, la bonté et l’humilité devant D.ieu.

Nombres 24:3
נְאֻם בִּלְעָם בְּנוֹ בְעֹר, וּנְאֻם הַגֶּבֶר שְׁתֻם הָעָיִן.
              Oracle de Bilaam, fils de Beor, parole de l’homme au clairvoyant regard.

En 1967, une équipe archéologique néerlandaise découvre, sur le site de Deir Alla (vallée du Jourdain), une inscription en araméen mentionnant explicitement Bilaam fils de Beor. Le texte écrit à l’encre noire et rouge sur enduit mural[2], débute ainsi :

כתב בל[ע]ם בן בע[ו]ר איש חזה אלהין
Texte de Bilam fils de Beor, homme qui voyait les dieux.

Dans la première partie, Bilaam prédit que l’obscurité s’abattra sur la terre et couvrira le monde, reflet du désordre cosmique provoqué par l’impiété des hommes.
La seconde partie, très fragmentaire, esquisse un oracle apocalyptique annonçant des calamités prochaines, puis se conclut par l’ordre divin interdisant à Bilaam de poursuivre ses prophéties.

Deir Alla, appelé « Tarʿala » dans le Talmud de Jérusalem (Sheviit 2:3), fut détruit vers 800 AEC, probablement lors du séisme mentionné dans Amos 1:1. Certains chercheurs identifient ce site à l’ancienne Soukkot[3] du territoire de Gad, située à l’est du Jourdain dans la vallée du Yabboq.

[1] Pethor est mentionnée en Nombres 22:5 comme située « près du fleuve » (Euphrate), sans doute dans l’actuelle Syrie du Nord ou le sud-est de la Turquie.
[2] Les fragments ont été retrouvés éparpillés sur le sol de la pièce sud-est du sanctuaire, mêlés à des tessons de poteries et recouverts de débris. Ils ont ensuite été patiemment recollés et remontés par l’équipe néerlandaise pour restituer l’inscription murale. ils sont conservés au Musée archéologique d’Amman,
[3] Soukkot, ville citée en Josué 13:27, ne doit pas être confondue avec le lieu-étape homonyme de l’Exode (Nombres 33:48).

Mausolée d’Aharon, Jordanie

XIVe siècle

‘Houqat (חקת – statut)
Nombres 19:1 – 22:1 et Juges 11:1–33

la paracha s’ouvre sur une loi incompréhensible, celle de la vache rousse. Elle évoque ensuite la mort de Myriam, celle d’Aharon, la faute de Moché, l’épisode du serpent d’airain, puis les premières victoires d’Israël. La haftara relate, elle aussi, une victoire : celle de Jephté sur les Ammonites.

Nombres 20:28
וַיָּמָת אַהֲרֹן שָׁ:ם, בְּרֹאשׁ הָהָר
et Aharon mourut là, au sommet de la montagne

Sur ordre divin, Moché monte avec Aharon et Éléazar sur le mont Hor. Éléazar y reçoit les habits sacerdotaux. Aharon meurt en silence, au sommet de la montagne.
La tradition identifie ce mont avec le Jebel Haroun – « la montagne du silence » – près de Pétra, en Jordanie. Au sommet se dresse le mausolée d’Aharon (en arabe : Maqam Haroun), érigé au XIVe siècle par les Mamelouks.
Aujourd’hui, le site est administré par les autorités religieuses musulmanes, et comme souvent sur les lieux sous leur contrôle, toute manifestation religieuse juive (tallit, téfilines, prières, chants…) peut y être perçue comme une provocation ou une infraction.

Magdala, Galilée, Israël

Ier siècle

Qora’h (קֹרַח – Koré)
Nombres 16:1 – 18:32 & I Samuel 11:14 – 12:22

Qoraḥ, Datan et Aviram sont engloutis pour avoir contesté la légitimité de Moché et d’Aharon, tandis que les 250 autres rebelles, qui avaient offert un encens non autorisé, sont consumés par un feu divin. Pour éviter toute nouvelle contestation, Moché demande à chaque chef de tribu de déposer son bâton dans le sanctuaire ; au matin, seul celui d’Aharon se couvre de bourgeons, de fleurs et d’amandes, signe indiscutable du choix divin. Dans la haftara, le prophète Samuel, lui aussi remis en question par le peuole, rappelle que Dieu est le seul guide d’Israël.

Nombres 17:23
וַיְהִי מִמָּחֳרָת, וַיָּבֹא מֹשֶׁה אֶל-אֹהֶל הָעֵדוּת, וְהִנֵּה פָּרַח מַטֵּה-אַהֲרֹן, לְבֵית לֵוִי; וַיֹּצֵא פֶרַח וַיָּצֵץ צִיץ, וַיִּגְמֹל שְׁקֵדִים

Or, le lendemain, Moïse entra dans la tente du statut, et voici qu’avait fleuri la verge d’Aaron, déposée pour la famille de Lévi: il y avait germé des boutons, éclos des fleurs, mûri des amandes.

À l’époque du Second Temple, Magdala – ou en araméen Migdal Nunaya, « tour des poissons » – était une ville juive prospère sur la rive ouest du lac de Tibériade. Elle comptait jusqu’à 40 000 habitants, avec un marché, des bains rituels, une industrie de salaison de poissons, et plusieurs synagogues. L’une d’elles a livré la célèbre Pierre de Magdala, ornée de symboles du Temple de Jérusalem : ménorah, cruches, colonnes… et, sur sa face supérieure, une composition florale que certains archéologues interprètent comme des fleurs d’amandier stylisée.

Lors de fouilles récentes, une pelle à encens en bronze a été retrouvée dans une pièce attenante à la salle de prière. Cet ustensile, mentionné dans la Torah (Exode 27:3), servait à prélever les braises pour les encensoirs.

La localité moderne de Migdal a été fondée en 1910 par des pionniers juifs russes du mouvement Hovevei Tsion[1]. Parmi les fondateurs figurent des personnalités marquantes comme Joseph Trumpeldor[2] et Yossef Haim Brenner[3]. Ils y établirent une ferme-école appelée Ahuzat Moskva – « domaine de Moscou » –, destinée à former des agriculteurs juifs.

[1] Hovevei Tsion – Amants de Sion : mouvement proto-sioniste fondé en 1881 en Russie, visant à promouvoir l’installation juive en Terre d’Israël.
[2] Joseph Trumpeldor (1880–1920) : héros sioniste, vétéran de l’armée russe, cofondateur avec Ze’ev Jabotinsky (1880–1940, leader sioniste militant prônant la création d’un État juif fort en Terre d’Israël) et Nahum Sokolow (1859–1936, écrivain, politicien et diplomate sioniste) du Zion Mule Corps (unité militaire de muletiers volontaires juifs ayant soutenu l’armée britannique lors de la bataille des Dardanelles en 1915, prémisse de la Légion juive), mort en défendant Tel Haï, un avant-poste juif en Palestine mandataire lors d’une attaque de tribus arabes en 1920.
[3] Yossef Haim Brenner (1881–1921) : écrivain hébraïque majeur et pionnier de la littérature moderne, assassiné le 2 mai 1921 à Jaffa lors des émeutes antijuives par des émeutiers arabes, aux côtés des militants sionistes le Dr. Yitzhak Vitkin, le Dr. Yosef Luria, Avraham Yesod et Moshe Feinstein, un important leader communautaire. Ils ont été inhumés ensemble au cimetière Trumpeldor à Tel Aviv.

Tsitsit Tekhelet (Franges d’Azur)

Chéla’h Lekha (שלח לך – envoie -²pour toi)
Nombres 13:1–15:41 et Josué 2:1–24

Moché envoie douze explorateurs en Canaan, à leur retour, dix d’entre eux présentent un rapport alarmant. Le peuple, effrayé, refusant de prendre possession de la terre, est condamné à quarante ans d’errance dans le désert. Quarante ans plus tard, Josué envoie à son tour deux explorateurs à Jéricho, la clé d’entrée en Eretz Israël (Talmud, Sotah 34b). Leur mission réussie permet la conquête de Canaan. Dans les deux textes, un élément revient : le cordon [1]. Le cordon de fil bleu des tsitsit et le cordon de fil rouge accroché à la fenêtre par Rahav.

Nombres 15:38
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, וְעָשׂוּ לָהֶם צִיצִת עַל-כַּנְפֵי בִגְדֵיהֶם, לְדֹרֹתָם; וְנָתְנוּ עַל-צִיצִת הַכָּנָף, פְּתִיל תְּכֵלֶת. 
Parle aux enfants d’Israël, et dis-leur de se faire des franges aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d’ajouter à la frange de chaque coin un cordon d’azur.

La recette de fabrication du tekhelet (תְּכֵלֶת – bleu indigo) s’est perdue au fil des siècles.
Au XIXᵉ siècle, des pêcheurs méditerranéens rapportaient que leurs vêtements se teintaient de bleu après avoir manipulé certains coquillages. En 1882, intrigué par ces témoignages, le Rabbi Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner [2] mit à profit sa double compétence en Torah et en sciences naturelles pour tenter d’identifier l’animal utilisé pour teindre les tsitsit en azur. Ses recherches l’amenèrent – à tort – à identifier le calmar commun (Sepia officinalis) comme étant le ‘ḥilazon (חילזון – escargot biblique).
En 1968, le chimiste israélien Otto Elsner (1936–2022) démontra expérimentalement que l’Hexaplex trunculus produit une teinture bleue par réaction photochimique. En 1980, en Israël, l’équipe Ptil Tekhelet, dirigée par le Rav Eliézer Yossef Tavger [3], parvint à reproduire ce processus. La méthode est validée, et une ferme d’élevage d’Hexaplex trunculus [4] est installée à Haïfa.
Aujourd’hui, plusieurs autorités halakhiques [5] reconnaissent la validité du tekhelet moderne. Des figures comme le Rav Hershel Schachter, le Rav Zalman Nechemia Goldberg et le Rav Shlomo Machpud estiment que les preuves accumulées [6] sont suffisamment solides pour permettre la restauration de cette mitsva oubliée.

[1] Josué 2:18 : « cordon de fil écarlate » (תִּקְוַת חוּט הַשָּׁנִי) ; Josué 2:21 : « cordon écarlate » (תִּקְוַת הַשָּׁנִי).
Le mot תִּקְוָה, de la racine קוה (espérer, tendre une corde), exprime une attente active et tendue. Dans la tradition kabbalistique, ce fil est associé à la protection contre le mauvais œil. Deux mots, deux registres. Le texte aurait pu se contenter d’un mot générique comme חֶבֶל (hevel – simple corde). Mais il choisit délibérément פְּתִיל (ptil), un fil torsadé, codifié, un rappel sacré de l’alliance. Et de l’autre côté, תִּקְוָה (tikva), porteur de toute la charge de l’attente, du salut espéré.
[2] Rebbe Gershon ‘Hanokh Henikh Leiner (1839–1891), maître hassidique de Radzin, pionnier de la redécouverte du tekhelet au XIXᵉ siècle.
[3] Rav Eliézer Yossef Tavger (1948–2022), physicien et enseignant de Torah. En 1988, il réalisa la première teinture halakhique de tekhelet depuis plus de 1300 ans.
[4] Hexaplex trunculus (ou Murex trunculus) : gastéropode marin identifié comme le ḥilazon biblique. Le Talmud (Menachot 42b–44a) donne plusieurs indices : « son corps ressemble à la mer » – l’hexaplex trunculus vit en Méditerranée, et sa coquille irisée évoque les reflets marins, « il ressemble à un poisson » il a une forme spiralée et pisciforme, « son sang sert à la teinture » sa sécrétion glandulaire vire au bleu sous l’effet du soleil (Il faut environ 30 coquillages pour teindre un jeu complet de tsitsit en tekhelet).
[5] Autorités halakhiques :
– Le Rav Tsvi Hershel Schechter (1941), est l’un des principaux décisionnaires de l’orthodoxie aux États-Unis. Il dirige la Yeshiva Rabénou Its’hak El’hanan à New York. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Guinat Egoz (2007), dans lequel il traite des lois relatives du tékhelet.
– Le Rav Zalman Nechemia Goldberg (1931–2020), ancien Av Beit Din à Jérusalem, directeur de l’Encyclopédie Talmudique.
– Le Rav Shlomo Machpud (1946), décisionnaire séfarade d’origine yéménite basé à Bnei Brak, dirige l’agence de kashrout Yoreh Deah, reconnue pour son exigence halakhique. Il encourage le retour du tekhelet dans les tsitsit, une mitsva authentique à rétablir.
[6] Preuves accumulées : Des fragments de textiles teints en tekhelet et en argaman (cramoisi teinture extraite du Bolinus brandaris) ont été découverts à Massada et dans le désert de Judée. Des analyses chimiques et spectroscopiques très poussées ont été réalisées sur ces fragments de textiles et sur les colorants qui ont confirmé l’utilisation du hexaplex trunculus. Des fouilles d’ateliers phéniciens ont révélé des milliers de coquilles brisées. Pline l’Ancien (Naturalis Historia, Livre IX) mentionne huit genres de coquillages utilisés pour produire des teintures bleues ou pourpres, et décrit précisément le procédé de fabrication.